En août 2020, j’ai publié trois articles sur la famille Perthuis, originaire de la Touraine, dont quatre membres sont venus en Nouvelle France au XVIIè siècle, Nicolas, mon ancêtre, et Florentin, son frère, Claude, armurier du roi en Canada selon l’acte de mariage d’une de ses filles à Veuves, en Touraine, père des deux précédents, et Pierre, frère de Claude. Vous pouvez lire ou relire ces articles en suivant les liens suivants:
Dans le troisième article de la série, j’indiquais que Claude Perthuis, l’armurier, fils de Silvin et de Mathurine Racicot, avait été baptisé à Limeray, comme une partie de ses frères et soeurs. Son frère Pierre, aussi pionnier, avait été baptisé à Notre Dame de Grâce du Bout des Ponts, à Amboise, à quelques huit kilomètres de Limeray.
Je suis allé passer quelques jours dans le Val de Loire, et passant par Limeray, je n’ai pas résisté à m’arrêter y jeter un oeil. La commune est charmante, avec de jolies maisons anciennes dans un cadre très agréable, et avec une belle église bâtie entre le XIè et le XVIè siècles, et réparée à quelques reprises depuis, elle est à peu près telle qu’elle était en 1625 ou 1631 pour le baptême de Claude, et telle que sa famille l’a connue et fréquentée. En voici quelques photos que j’ai prises. L’église était malheureusement fermée, je n’ai donc pas pu en voir l’intérieur.
Je suis aussi passé à Amboise, voir Notre Dame de Grâce du Bout des Ponts, dans laquelle ont été baptisés une partie des enfants de Claude Perthuis et d’Anne Turmeau, et une partie des enfants de Silvain Perthuis et de Mathurine Racicot. Elle date du XVIè siècle, et doit ressembler à ce que mes ancêtres ont connu. Eglise aussi fermée que la première… Tant pis.
Sa famille à Paris, en Ile de France et dans l’Aube
Jean-Paul Macouin a mis au jour, il y a quelques années, le contrat de mariage des parents d’Antoine, Jean Dandurant et Marguerite de la Bahoullière, passé à Paris le 26 décembre 1659 devant le notaire Jean Chaussière. (1)
Dans l’article précédent, nous avons vu qu’en Nouvelle-France, la mère du pionnier était nommée Labeauce, ou de la Bosse. Monsieur Macouin a conclu à l’époque, et nous sommes d’accord avec lui, que ce contrat de mariage est de manière certaine celui des parents d’Antoine. Le nom Dandurant, qu’on trouve dans le sud-ouest de la France, Aveyron, Cantal, Tarn et Garonne, Lot et Garonne, est peu présent dans le nord de la France, et on ne le trouve que très peu à Paris.
Ce contrat, dont le prénom et le nom du futur époux ainsi que la paroisse d’origine sont conformes aux déclarations d’Antoine à l’Ile d’Orléans, ainsi que le prénom de la future épouse, laisse peu de doutes. De plus, l’année estimée de la naissance du pionnier dans les actes du Québec, 1662 ou 1663, rend tout à fait plausible qu’il soit le fils de ce couple marié en décembre 1659.
Le nom de la mère d’Antoine a été transformé en Nouvelle France. La quasi similitude entre les deux formes de ce nom, de la Bosse dans le contrat de mariage, et Labeauce dans l’acte de mariage, laisse penser qu’il est conforme à ce qu’a déclaré Antoine. Le pionnier, on le verra plus loin, fut orphelin de père jeune, et sa mère est peut-être aussi décédée alors qu’il était enfant, ce qui pourrait expliquer que, comme d’autres, il n’ait pas donné le nom exact de celle-ci. Il y a plusieurs cas où les pionniers ou pionnières donnaient le nom et le prénom de leur père, mais pas exactement, ou pas du tout le nom de leur mère, lui substituant le nom de leur belle-mère, seconde épouse de leur père qui les avait élévés, ou le nom de leur grand-mère maternelle, de leur tuteur ou autre. (2)
Dans le contrat de mariage des parents d’Antoine, Jean Dandurant est dit médecin spagyrique (spagiricque) (3) demeurant à Paris, rue Cousture et paroisse Saint Gervais, et fils de défunt Estienne Dandurant, vivant conseiller du roi, grenetier au grenier à sel de Nogent-sur-Seine (aujourd’hui dans le département de l’Aube) et greffier en l’Election de la ville, et de Marguerite Saillard, sa veuve. Jean déclare avoir reçu d’elle charge de faire ledit contrat pour lui et en son nom.
Damoiselle Margueritte de la Bahoullière, veuve de Jean du Jardin, vivant écuyer, sieur de Greffin (ou Grossin ?), demeurant à Paris, rue Saint-Martin, paroisse Saint-Laurent, stipule pour elle et en son nom. Elle ne nomme pas ses parents. Aussi bien les témoins du futur que de la future sont des amis, aucun n’a de lien familial avec les contractants.
Signatures de Jean Dandurant et de Marguerite de la Bahoullière en fin de leur contrat de mariage. On peut voir que si elle sait signer, Marguerite n’a pas une écriture très maîtrisée.
Jean Dandurant est décédé une dizaine d’années après son mariage avec Marguerite de la Bahoullière. Le Fonds Laborde contient le relevé du troisième mariage de Marguerite, dans l’église Saint Germain l’Auxerrois de Paris.
Du jeudy septiesme aoust 1670, Thomas Sauvin,âgé de trente trois ans, archer, et Margueritte de la Bahoulière,âgée de trente deux ans, vefve de feu Jean Dandurant, vivant médecin de la faculté de Montpellier, fiancés et mariés tout ensemble, en présence de Philippe Hellot, chirurgien, Me François de Gamache, procureur en la prévosté de l’Hostel et grande prévosté de France, amis du marié, Robert Marchand, musicien du Roy et de la Reyne, beau-frère de la mariée.
Nous retrouverons Robert Marchant dans les lignes qui suivent.
L’ascendance de Marguerite de la Bahoullière en Ile de France.
Dans son contrat de mariage, Marguerite ne donnait pas le nom de ses parents, et nous n’avons pas retrouvé son contrat de mariage avec Jean du Jardin, son premier mari. Heureusement, dans les minutes du notaire Chaussière, qui avait reçu le contrat de mariage de Marguerite avec Jean Dandurant, on retrouve sept mois plus tôt un autre contrat de mariage qui permet de voir plus loin.
Le 13 mai 1659, Robert Marchant, chantre et musicien de la Chambre du roi, demeurant rue Montmartre, paroisse Saint-Eustache, fils de défunt Charles Marchant et de Jeanne Leguay, et damoiselle Magdelaine de la Bachoullière, fille de défunt Charles de la Bachoullière, vivant écuyer, sieur de Mareuil et de la Petite Fresnaye, et de damoiselle Lucresse de Kerver, sa veuve, sont devant le notaire pour passer leur contrat de mariage. Les témoins présents sont à nouveau, sauf un qui est un cousin de Robert Marchant, des amis communs des futurs époux. (4)
Signatures de Robert Marchant et de Magdelaine de la Bahoullière (elle signe Bachoulière) en fin de leur contrat de mariage.
La demoiselle de Kerver, étant très incommodée, n’a pas pu se déplacer, et elle a signé, le 18 février précédent, devant Gilles Simonneau, commis du principal tabellion juré au bailliage et comté de Jouy-en-Josas, une procuration à Me Michel Guery, avocat en parlement demeurant à Paris, afin qu’il la représente à la signature du contrat de mariage de sa fille.
Madeleine a des droits sur les parts et portions auxquelles elle peut prétendre dans les terres et seigneurie de la Fresnaye, située dans la province d’Anjou, et dans la maison de Magny. Elle apporte en dot trois mille livres en deniers comptant et meubles. 1500 livres entreront dans la communauté, et 1500 livres lui resteront en propre, ainsi que ses droits sur la seigneurie de la Fresnaye. Robert Marchant constitue à son épouse un douaire de 1500 livres.
La procuration signée par Lucresse de Kerver est attachée au contrat de mariage ; elle signe Querver. On y apprend que la mère de Magdelaine demeure à Magny l’Essart (aujourd’hui Magny-les-Hameaux, dans le département des Yvelines).
Aucun lien formel ne peut être tiré entre ces deux filles de la Bahoullière à partir de leurs contrats de mariage respectifs, mais on se souvient que Robert Marchand était dit beau-frère de Marguerite lors de son mariage avec Thomas Sauvin. Marguerite et Magdelaine étaient donc sœurs.
Dans l’inventaire après décès de Magdelaine, passé le 4 octobre 1663 devant Charles Sainfray, notaire à Paris (5), dans les pièces inventoriées, Louis et Marguerite de la Bahoullière sont cités et on devine que Louis est le frère des deux demoiselles. On retrouvera d’ailleurs Louis et Marguerite de la Bahoullière, ainsi que Robert Marchant dans les registres paroissiaux de Magny les Hameaux, où vivaient Charles de la Bahoullière et Lucresse Kerver à la fin de leur vie.
Lors de l’établissement de l’inventaire après décès de Magdelaine, Hierosme de Querver, écuyer sieur de la Fontaine, est présent comme oncle et subrogé tuteur de la fille de la défunte et de Robert Marchand. On le verra plus loin, Hierosme n’était pas l’oncle de l’enfant mais son grand-oncle, étant oncle de Magdelaine.
Deux actes de tutelle passés à Paris à quelques années d’intervalle nous permettent d’avancer encore davantage.
Le 7 juillet 1632, devant Michel Moreau, conseiller du roi et lieutenant civil à Paris, Charles de la Bahoulière présente une requête, conjointement tuteur avec Lucresse Quervel, des enfants mineurs qu’elle a eus de Jacques Huet, son premier mari. Les mineurs, Louis et Jacques Huet, sont héritiers de leur père d’une maison au faubourg Saint Honoré qui est en très mauvais état, et que leur mère et beau-père demandent à pouvoir vendre, ce qui leur est accordé par le conseil de famille. (6)
Le contrat de mariage de Lucresse Querver avec Jacques Huet, sieur de Vertemaison, archer des gardes du corps du roi, est passé devant les notaires Jacques Morel et Anthoine de Monroussel le 6 février 1619. (7) Lucresse est fille de Louis Querver, écuyer sieur de la Fontaine, naguère commissaire ordinaire des guerres, et de damoiselle Catherine Dain. Les témoins de Lucresse sont :
Jean Querver, commis de Monsieur de Gesvres, son frère
Jacques de Cothereau, conseiller du roi, contrôleur général et intendant des réparations des fortifications de Picardie, cousin germain
Noble homme Me Pierre Camus, avocat au grand conseil, cousin à cause de Mademoiselle sa femme
Nous allons retrouver ces parents de Lucresse dans cet article et dans les suivants.
Les sieur et damoiselle de la Fontaine donnent à leur fille Lucresse et à son futur époux, en faveur de leur mariage, quatre mille livres tournois, qui se composent de quatre cent livres d’habits et de meubles, de 3200 livres par la cession et transport d’une rente de deux cent livres appartenant à Catherine Dain de son propre, à elle constituée par son frère, Jehan Dain, avocat au conseil privé du roi, et enfin de quatre cent livres en deniers comptant, deux cent qui entreront dans la communauté, et deux cent qui resteront en propre à la future épouse. Nous ne savons pas quand est décédé Jacques Huet, sieur de Vertemaison.
Le nom de famille de Lucresse, d’origine allemande, se rencontre, dans les sources françaises, écrit de différentes façons; Kerver, le nom d’origine, est passé par Querver, Quervel, Querouel, Kervel et encore quelques variantes. Une partie de la famille se fit aussi appeler de Querver.
Le 21 janvier 1635, Louis Quervel, écuyer, sieur de la Fontayne, fait réunir devant Louis Damours, conseiller du roi au Châtelet de Paris, les parents et amis de ses enfants mineurs, nés de son mariage avec Antoinette Lambert, défunte, afin de leur faire élire tuteur et subrogé tuteur. Les enfants sont Hiérosme (environ 10 ans), Louis (sept à huit ans), Pierre (5 ans), Guillaume (quatre ans), et Charles, dont l’âge n’est pas donné. Les témoins sont Jean Quervel, frère consanguin des mineurs, donc issu du premier mariage de Louis, et Charles de la Houllière (sic), écuyer sieur de Mareuil, beau-frère à cause de Lucresse Quervel, sa femme. Lucresse est également sœur consanguine des mineurs.
Le fils nommé Hiérosme qu’on voit dans cet acte est le demi-frère de Lucresse. Il est donc l’oncle des enfants de celle-ci, et le grand oncle de la fille de Magdeleine, comme nous l’indiquions plus haut.
Le contrat de mariage de Louis Querouel (sic), écuyer sieur de la Fontaine, et d’Antoinette Lambert est passé devant le notaire Jean des Quatrevaulx le 10 octobre 1624. (8) Louis est alors capitaine du château du Plessis Picquet (aujourd’hui le Plessis Robinson, dans le département des Hauts-de-Seine) et y demeurant. Antoinette est veuve de Jehan Danzel, écuyer sieur de Saint-André, fille de Jehan Lambert, écuyer sieur de Belleval (près d’Abbeville) et d’Isabeau Poullain. Elle demeure en l’hôtel de Monseigneur le Prince, avec damoiselle Anne de Bery, dame d’honneur de Madame la Princesse. Louis et Antoinette signent.
Dans l’acte de tutelle de ses enfants mineurs issus de son mariage avec Antoinette Lambert, passé à Paris le 30 janvier 1635, Louis de Querver, sieur de la Fontaine explique que sa femme avait acheté la moitié de la Maison Forte de Choisel et qu’elle avait constitué une rente sur cette moitié de maison. Louis demande au conseil de famille à pouvoir vendre cette rente pour ses enfants.
On retrouve Louis Kerver et sa famille dans les registres paroissiaux de Choisel, village qui se trouve à trois kilomètres de Chevreuse, et à un peu moins de dix kilomètres de Magny les Hameaux. .
Le 11 novembre 1632, Pierre et Guillaume, fils de Louis Querver et d’Anthoinette Lambert, sont baptisés à Choisel.
Les parrain et marraine de Pierre sont Pierre Loriot, curé de Choisel, et « Margueritte Querver, sœur dudit sieur de la Fontaine, veuve de feu noble homme Jean de Cothereau, sieur de Mangeville en Beauce et de Cormeilles en Parisis, controlleur général des fortifications et bastimens du roy en Picardie et Isle de France, demeurant à Amiens ».
Jacques de Cothereau, vu plus haut comme témoin au contrat de mariage de Lucresse avec Jacques Huet, est le fils de Jean de Cothereau et de Marguerite Querver. Celle-ci étant sœur de Louis, Jacques est bien cousin germain de Lucresse.
Les parrain et marraine de Guillaume sont « Monsieur de Mareuil, sieur de la Chahoullière (sic) et du Petit Fresnoy, demeurant à Paris, gendre dudit sieur de la Fontaine, et Guyllade (?) le Roy, petitte niepce dudit sieur de la Fontaine, fille de Monsieur le Roy, sieur de Jumelles et lieutenant général de la ville d’Amyens et y demeurant ». Cette demoiselle le Roy est la petite fille de Marguerite Querver. (9)
Demoiselle Anthoinette de la Fontaine est décédée le 11 septembre 1634 et fut inhumée dans l’église de Choisel. (10) Nous n’avons pas trouvé l’acte d’inhumation de Louis Kerver. Baptisé le 13 juillet 1560 à l’église Saint Benoît de Paris selon le Fonds Laborde, et toujours vivant fin janvier 1635, il a vécu plus de 75 ans.
Louis Querver eut donc deux épouses, Catherine Dain, avec laquelle il eut Jean et Lucresse, et Antoinette Lambert, avec laquelle il eut les cinq garçons vus dans l’acte de tutelle de 1635.
L’acte de baptême de Guillaume Querver à Choisel et l’acte de tutelle des enfants Huet, datés de juillet et novembre 1632, sont les deux premières traces que nous avons trouvées de Charles de la Bahoullière en Ile de France. Nous ne savons pas quand il s’y est installé, ni quand il a épousé Lucresse Kerver.
Magny-les-Hameaux
On l’a vu plus haut, Lucresse vivait à Magny-les-Hameaux lors du contrat de mariage de sa fille Magdelaine. Celle-ci, toujours dans son contrat de mariage, déclarait avoir des droits sur sa part et portion de la maison de Magny, certainement la maison qu’habitait Lucresse.
Les registres paroissiaux de Magny-les-Hameaux ont gardé plusieurs traces du passage de la famille.
Le 7 avril 1631 est baptisé Louis, fils de Louis Kervel, sieur de la Fontaine, et de damoiselle Anthoinette Lambert.
Charles de la Bahoulière, écuyer, sieur de Mareuil, est parrain d’une enfant à Magny les Hameaux le 14 décembre 1635, Jeanne, fille d’Estienne Basset et de Philippe Marchand. (11)
Il est encore parrain le 2 mai 1641 à Magny, (12) et encore le 19 février 1643. (13)
Jacques Huet, sieur de Vertemaison (fils de Lucresse Kerver) est parrain le 10 mars 1645 à Magny. Il devait y vivre avec sa mère et son beau-père. (14)
C’est à Magny que sont inhumés « noble homme Charles de la Bahoulière dict de Maroeuil », le 13 octobre 1654 et Lucresse Kerver, le 5 mars 1663.
Le 13 octobre a esté inhumé noble homme Charles de la Bahoulière dict de Maroeuil.
Le 5 de mars a esté inhumée en l’église Lucrece Kerver
Leur fils, Louis de la Bahoullière, sieur de Mareuil, et son épouse Félice Girard, baptisent des enfants à Magny.
Louis, baptisé le 25 mars 1658.
Magdeleine, baptisée le 25 janvier 1660. Son parrain est Robert Marchand.
Anne, baptisée le 9 septembre 1662.
Robert, baptisé le 21 septembre 1664. Parrain Robert Marchand.
Marie, baptisée le 18 mars 1666.
Françoise Philippe, née le 12 et baptisée le 16 juillet 1668.
Charlotte Geneviève, née le 28 et baptisée le 30 juillet 1670.
Une probable sœur de Marguerite, Magdelaine et Louis de la Bahoullière est également inhumée à Magny. Damoiselle Gabrielle de la Bahoulière est inhumé le 4 mai 1663. Elle était morte la veille. (15)
Et pour finir, une sœur du pionnier est inhumée à Magny. Louise Jacqueline Dandurant, âgée de 4 ans, fille de Jean et de damoiselle Marguerite de la Bahoulière, morte le 7, y est inhumée le 8 septembre 1668. (16)
On trouve trace des parents de Jean Dandurant dans les registres paroissiaux de Nogent-sur-Seine. Ces registres sont malheureusement incomplets dans les années qui nous intéressent, avec des lacunes de mai 1620 à mai 1621, de mai 1622 à mai 1623, de mai 1624 à mai 1626, de mai 1627 à mai 1629, et encore d’autres périodes.
On y trouve tout de même le baptême d’Henry, fils d’Estienne Dandurant et de Marguerite Saillard, baptisé le 11 mai 1624. Son parrain est Henry Laguet (?) et sa marraine Louyse de la Court. (17)
Le Cercle généalogique de l’Aube a fait un relevé de registres qui ne sont pas en ligne sur le site des Archives Départementales de l’Aube, et on trouve sur Filae quelques actes concernant un autre frère de Jean Dandurant, tirés des relevés du Cercle.
César Dandurant et Estiennette Largentier se marient à Nogent-sur-Seine le 9 février 1654. (18)
Sur Filae, on trouve ce mariage avec plus de détails : César est fils de feu Estienne Dandurant, greffier et marchand, et de Marguerite Saillard. César est donc un frère de Jean, le médecin.
Encore sur Filae, César Estienne Dandurant et Estiennette Largentier baptisent un fils, Estienne, à Nogent sur Seine le 10 octobre 1654.
Toujours sur Filae, le 31 juillet 1656 à Nogent, est baptisée Marguerite, fille de César Estienne Dandurant et Estiennette Largentier. Ce n’est peut-être pas un hasard si les deux premiers enfants de César Estienne Dandurant et Estiennette Largentier sont nommés d’après les prénoms des parents de César.
Claude, fils de Joseph Dandurant, marchand, et de Nicole Cre ?????, né le 23, est baptisé le 24 février 1689 à Nogent sur Seine. Ce Joseph pourrait être un fils de César, il doit de toute façon être apparenté à nos Dandurant. (19)
Nous n’en avons pas trouvé davantage dans les registres paroissiaux de Nogent-sur-Seine. Une visite aux Archives départementales permettrait peut-être de trouver d’autres informations sur les Dandurant et les Saillard de l’Aube.
L’article suivant traitera des ancêtres de Lucresse Kerver au-delà de ses parents.
Gilles Brassard, Jonathan Chénier-Daoust, Martin Goyette et Stéphane Delanoue, 15 mai 2023.
Notes :
(1) Archives Nationales de Paris, Minutier central, minutes du notaire Jean Chaussière, MC/ET/L/71
(2) A ce sujet, vous pouvez consulter les articles suivants, concernant des pionnières n’ayant pas donné le nom exact de leur mère :
Une fois n’est pas coutume, je n’ai pas travaillé seul pour préparer la série d’articles qui va suivre. Un ouvrage stimulant, à huit mains, avec Jonathan Chénier-Daoust, d’abord, qui m’avait contacté il y a quelques mois au sujet de la mère d’Antoine, et avec qui nous avons lancé les recherches. Très vite, Martin Goyette nous a rejoint, ayant eu vent de notre projet, et Stéphane Delanoue, enfin, avec lequel Jonathan était déjà en lien sur un autre sujet, et qui a bien voulu faire partie de l’aventure. La quête de l’ascendance de ce pionnier de la Nouvelle France a été passionnante. Si nous n’avons pas pu remonter bien loin sa famille paternelle, nos recherches nous ont permis de retrouver les ascendants de sa mère sur plusieurs générations. Ses ancêtres maternels étaient originaires de Paris et d’Ile de France, du Maine et de l’Anjou, et même d’Allemagne.
1 Aux sources de la recherche, les actes en Nouvelle-France
Arrivé en Nouvelle-France vraisemblablement comme soldat de la compagnie de Maupoux (Maupeou) en 1693, Antoine Dandurand dit Marchaterre est présent pour la première fois dans les pièces d’archives de la colonie le 12 novembre de cette année 1693, ou il entre à l’Hôtel-Dieu de Québec. On le dit âgé de 31 ans, originaire de Paris, et boulanger. Il ressort de l’hôpital deux jours plus tard. Deux autres entrées pourraient laisser penser qu’Antoine a fait d’autres séjours à l’Hôtel Dieu. Le 13 novembre 1693, un nommé Marchatesse, soldat de la compagnie de Maupoux, entre à l’hôpital et en ressort le 16. Le premier décembre de la même année, Marchatesse, soldat de la compagnie de Maupoux, entre à nouveau à l’Hôtel-Dieu et en ressort le 3. Ce Marchatesse n’est certainement pas notre Marchaterre. Antoine étant entré à l’hôpital le 12 et sorti le 14 novembre, il n’a pas pu y entrer le 13 et en sortir le 16. Marchaterre et Marchatesse sont donc deux personnes distinctes, ayant toutes les deux servi dans la compagnie de M. de Maupoux.
Le 12 avril 1694, il est parrain d’Antoine Baudon, fils de Jacques et de Marguerite Vérieul, baptisé à Saint François de l’Ile d’Orléans. Il est dit soldat de la compagnie de Monsieur de Monpou. Antoine fera souche dans le Nouveau Monde en épousant le 29 février 1696 à Sainte Famille de l’Ile d’Orléans Marie Verieul, sœur de Marguerite, fille de Nicolas Verieul et de Marguerite Hyardin. Le couple aura neuf enfants entre 1698 et 1718, baptisés à Sainte Famille pour le premier et à Montmagny, sur la rive sud du Saint-Laurent, pour les huit autres. Antoine meurt le 20 et est inhumé le 21 décembre 1738 à Montmagny. Le curé lui donne 80 ans, et ajoute que « sa vie a toujours été fort exemplaire ». Antoine était visiblement un homme respecté dans son milieu. Le contrat de mariage d’Antoine et de Marie est passé devant Etienne Jacob, notaire de la seigneurie de Beaupré et greffier du comté de Saint Laurent le 10 janvier 1696. En voici une transcription faite par Martin Goyette.
Page 1
Pardevant Estienne Jacob nottaire en la Seigneurie
de beaupré et greffier du comté St Laurent et en presence
tesmoings apres nommes furent present anthoine
dandurand, fils de Jean dandurand, et Marguerite de
La Bosse demeurants en la paroisse de St Gervais
de la ville de paris le dit anthoine dandurand, En Son
nom dune part Et nicolas verieul Marguerite
des Jardins Sa femme quil authorise en cette partie
habitand demeurants audit comté St Laurent
Stipulant pour Marie verieul leur fille aussy de
Son Conssentement daultre part lesquelles partyes en
La presence et du conssenttement de leur parens amys
cy assemblés de part et daultre Scavoir de la part dudit
anthoine dandurand Jean Rioü habitant dudit comté
de la part desdits nicolas verieul et marguerite des
Jardins et marie verieul, nicolas verieul frerre de
Laditte marie verieul et Sieurs augustin Roüer
escuyer Sieur de la Cardonniere bailly dudit comté
St Laurent louis de niort Sieur de la noraye et
Mamoiselle marie Sevestre Son espouse ont faict
et Michel genauseaü parrain de laditte marie
verieul ont faict le traicte de mariage accord et
conventions suivantes Scavoir est que lesdits nicolas
verieul et marguerite des Jardins ont promis et
promestent de bailler et donner laditte Marie verieul
leur fille de son conssenttement par nom et loy de
mariage audit anthoine dandurand que aussy a
promis et promet la prendre pour Sa femme et légitime
espouse en face de notre mere Ste Eglise souls la license
dicelle le plustost que faire ce pourra pour estre
comme en effet lesdits futurs espous Seront unis
Communs en leur biens meubles Conquest Inmeubles
Suivant la Coustume de paris Sans estre tenus
Page 2
des debtes hipothesques de luy et Causes faictes
et crees avant le Jour de leur espousailles Sy
aucunes Se trouvent Seront prises et payees
Sur les biens de celluy ou celle de qui elles procederont
Partant ledit futur a pris et prend laditte
future espouse avec ces droits noms Raisond
avec actions a elle appartenants en quelque
Lieux et endroits qu’ils Seront assis et Scitues
deubs ou trouves de plus a trouves doüé et doüe
Laditte future espouse de la Somme de trois cent
livres de douaire prefix pour une fois payer
a lavoir et prendre Sitost que douaire aurra
lieu Sur tous et chacuns les biens meubles et
Inmeubles present et advenir dudit futur espoux
dont elle aurra deslivrance du Jour de son deceds
avec tous et chacun les biens habits linges
et aultres hardes a lusage dicelle future espouse
aussy Sans diminution dudit douaire, le preciput
Sera réciproque Entre Iceux futurs espoux de la
Somme de Cent livres Sera loisible a laditte futur
espouse de prendre accepter laditte future Communau[té]
ou de Renoncer a Icelle ce faisant reprendre tout ce
quelle aurra apporte audit futur mariage estant
ce que durand Icelluy luy Sera advenü et escheu par
Succession donnation legs ou autrement avec ces douaires
pratiques cy dessus le tout franchement quitement
Sans aucunes charges debtes ny hipothesques
de laditte future Communautée encore quelle
y eust partie Si fut obligée ou condamnée pour
lesqueles repries et Indemnitée elle aurra
Page 3
Son hipothesques de ce Jourdhuy Sur tous lesdits biens
dudit futur espoux Car ainsy a este accorde Entre
les partys prometant &a obligeant &a Renonceant &a
faict et passe audit Comté en la chambre de lauditeur
dudit bailliage le dixsiesme Jour de Janvier
Lan Mil Six Cent quatre vingt Saise en presence
de Pierre paris et Pierre Corniliers huissiers
audit lieu qui ont Signes ont lesdits augustin
de Rouer de la Cardonniere le Sieur de louis de
niort de la noraye et michel genauseau avec
ledit futures espoux et nicolas verieul et ledit nicolas
verieul [Signe avec lesdit nottaire], Jean Riou et laditte margueritte des Jardins [ont]
desclares ne Scavoir escrire ny signer
anthoine dandurant nicollas verieul de la noray
Rouer de la Cardonniere marie sevestre
genouzeau pierre paris
P Cornillier Jacob
Et voici maintenant l’acte de leur mariage, célébré à Sainte Famille de l’Ile d’Orléans le 29 février 1696, et sa transcription, également faite par M. Goyette.
29 février 1696
M
Antoine dandurand
&
Marie verieul
Apres la publica(ti)on de deux bans faite En la paroiSSe de St
françois de Sales & dispense obtenüe du troiS(ièm)e Mr Montigny
grand vicaire de Mgr de quebec ainSi q(u’i)l nous [est] apparu par les lettres
données a quebec le vingt quatre du p(rése)nt mois, du futur Mariage
d’entre Antoine dandurant fils de Jean dandurand & Marguerite
La beauce âgé de 33 de Paris dune part & Marie verieul âgée de dixsept
ans fille de nicolas verieul & de Marguerite hiardin dautre
part de la paroiSSe dud(it) St françois apres avoir reçus attestation
du Sieur Albert Davion prestre cure de St Jean Baptiste & desServant
lad(ite) paroiSSe de St françois qu’il avoit receu aSSeurance de MeSS(i)re
l’official & grand vicaire de quebec qu’il pouvoit Sans avoir Égard
aux pretendus empeschem(en)t declares a la publica(ti)on desd(its) bans comme
nuls paSSer outre a la confection dud(it) futur mariage, je cure SouSigné
pour & en L’absence dud(it) S(ieu)r Davion Marié lesd(its) dandurand & verieul
par parolle de p(rése)nt mariage & EnSuitte donné la benediction nuptiale
ce vingt neuf(viesm)e de février mil Six cents quatre vingt Seize En
preSence de claude Landri, Jaques Baudon, pierre ducheSne &
charles plante qui ont avec ledit dandurand Signé a la reServe dud(it) landri
& ducheSne qui ont declaré ne Scavoir Signer de ce requis.
anthoin DanDurant J baudon charles plante
f Lamy
Un passage de cet acte mérite qu’on s’y attarde un peu. Le curé de Sainte-Famille célèbre le mariage en l’absence du père Davion, desservant la paroisse de Saint-François, où vit la famille de Marie. Il indique que le père Davion a reçu l’assurance de l’official du diocèse qu’il pouvait passer outre les prétendus empêchements au mariage, et faire la cérémonie. Les prétendus empêchements en question venaient d’un nommé Jean Charland, qui avait indiqué au père Davion qu’il ne fallait pas procéder à ce mariage, mettant en cause les mœurs de Marie Vérieul et de sa mère. Charland finit par se rétracter et fut obligé de s’excuser publiquement à la famille Vérieul et à Antoine. Il dut aussi payer 35 livres en dédommagement pour le délai imposé au mariage, et payer les frais de cour.
Sur Antoine, ces deux actes nous apprennent qu’il était originaire de Paris, de la paroisse Saint-Gervais, et qu’il était fils de Jean Dandurand et de Marguerite La Beauce (ou de la Bosse). Il déclare être âgé de 33 ans, ce qui le ferait naître vers 1663. A l’Hôtel Dieu, en novembre 1693, il avait déclaré être âgé de 31 ans, donc né vers 1662. Nous savons aussi qu’il fut, dans ses premières années dans la colonie, boulanger et soldat.
Eglise Saint-Gervais et Saint Protais de Paris. C’est probablement dans cette église qu’Antoine Dandurant a été baptisé. Elle avait été terminée quelques dizaines d’années avant la naissance d’Antoine. Façade de l’église vue de l’ouest. Tangopaso, Public domain, via Wikimedia Commons
Voilà donc le point de départ de notre recherche. Dans les prochains articles, nous exposerons ce que nous avons trouvé sur les parents d’Antoine en France, et sur ses grands-parents et ancêtres, à Paris, en Ile de France et dans l’Aube.
Gilles Brassard, Jonathan Chénier-Daoust, Martin Goyette et Stéphane Delanoue, 15 mai 2023
Je descends de Jacques Bernier à la dixième génération par mon père. Dans son acte de mariage avec Antoinette Grenier, fille de Claude Grenier et de Catherine (le nom n’est pas donné), de la paroisse Saint Laurent de Paris, Jacques déclare être fils d’Yves Bernier et de Michele (je parlerai de son nom plus loin), de la paroisse de Saint Germain l’Auxerrois, également à Paris. Le mariage s’est tenu le 23 juillet 1656 à Québec, au logis du gouverneur Jean de Lauson. C’est Jérôme Lallemant, faisant les fonctions curiales à Québec qui unit le couple.
Je n’ai pas trouvé de traces de la famille de Jacques Bernier à Paris. Le nom de sa mère a presque toujours été interprété au Québec comme étant Trevilet, et parfois Treuillet. Un acte de baptême relevé sur Généanet m’a amené à reconsidérer ce nom. Le 22 février 1623 à Saint-Paterne-Racan, situé à 35 kilomètres au nord-ouest de Tours, dans l’actuel département d’Indre et Loire, Marie, fille d’Yves Bernier et de Michelle Trevilleau est baptisée. Son parrain est Michel, fils de Michel Girondeau, et sa marraine est Marie, fille de défunt Jean Trevilleau. https://archives.touraine.fr/ark:/37621/07hgrtxbl2q6/ec601135-3e1b-43c1-a746-5a69babb3995
Je suis revenu vers l’acte de mariage de 1656 et j’ai observé de plus près la façon dont le prêtre qui a retranscrit cet acte, et plusieurs autres dans les pages précédentes, trace ses lettres et les enchaîne. Dans l’acte précédent, mariage de Jean Baptiste le Gardeur de Repentigny et de Marguerite Nicolet, on peut voir comment sont enchaînées les lettres l, e et t dans les mots juillet et Nicolet, et l’e de ces syllabes n’est pas formé de la même façon que dans le nom de la mère de Jacques, habituellement lu comme Trevilet.
Voici un petit montage de mots se terminant en et et en ot tracées par le prêtre qui a retranscrit les registres de Québec. Plusieurs mots se terminent en et; j’ai choisi Nicolet et juillet. Les trois lettres let sont enchaînées et tracées d’un seul geste, sans lever la plume, et l’e est une boucle simple. Il y a moins de mots se terminant en ot dans ces pages du registre. J’ai tout de même trouvé Hayot et Charlote. En comparant ces deux derniers mots avec le nom de la mère de Jacques Bernier, il me semble bien déceler la petite patte de liaison en fin de l’o, vers le haut de la lettre, comme dans Hayot et Charlote.
Je ne serais donc pas étonné que la mère de Jacques Bernier se soit nommée Michele Trevilot, et non Trevilet. Michele Trevilleau, mère de la petite Marie Bernier baptisée à Saint Paterne Racan, pourrait bien être celle qui est recherchée.
Il n’y a pas d’autre enfant de ce couple baptisé à Saint-Paterne-Racan. Il y a des Trevilleau, dont un Jean, dans les registres de la paroisse, mais pas d’autres Bernier. Il y a cependant des Bernier dans la région, dont une famille à Tours. J’avais commencé à chercher le couple Bernier – Trevilleau dans les paroisses des alentours, mais la botte de foin est un peu trop grande pour y trouver cette aiguille.
Il y a tout juste cinq ans, cloué à la maison par une maladie, je m’étais décidé à créer ce blogue auquel je pensais depuis un moment sans prendre le temps de le faire. Vous pouvez retrouver ce premier article en cliquant ici.
En me lançant dans cette aventure, je ne savais pas où ça me mènerait, mais je me doutais que j’allais y trouver du plaisir. Je l’ai dit déjà dans quelques articles ou réponses à des commentaires de lectrices et lecteurs, au plaisir de chercher et de trouver, s’est ajouté le plaisir de partager. J’apprécie beaucoup les commentaires des lecteurs, certains assidus, d’autres de passage, qui me donnent envie de continuer à gratter, à fouiller et à tendre l’oreille. Certains ancêtres ont une voix forte et claire, et il est facile de les suivre dans les nombreux actes et traces qu’ils ont laissés derrière eux, mais d’autres chuchotent, se cachent dans les traces laissées par d’autres, et demandent plus d’imagination et de ténacité.
Du blogue du début, un peu foutraque, qui partait dans tous les sens, j’ai fini, sur les conseils d’une lectrice, par organiser et ranger les articles dans un sommaire et quelques catégories principales. Tout n’est pas taillé au cordeau, il reste un peu de fouillis, mais ça me correspond bien.
Mon terrain de fouilles préféré reste les pionniers de la Nouvelle France, et parmi ceux-ci, les filles du roy, dont l’importance dans l’histoire du Québec et de l’Amérique française est immense. Cent soixante seize articles publiés au fil de ces cinq années. Voici les cinq plus consultés; vous pouvez les lire en cliquant sur les titres.
Catherine de Baillon s’est doublement installée en tête. Cette fille du roy est un peu mythique pour ses descendants. Il reste une part de mystère dans les raisons pour lesquelles elle a quitté la France pour le Nouveau Monde. De très nombreux chercheurs ont travaillé, et travaillent toujours sur la demoiselle, et il reste certainement des choses à trouver.
Louis Hébert et Marie Rollet, je le disais récemment dans un article, font partie de mes ancêtres préférés. Je ne me lasse pas de chercher de nouveaux éléments sur ce couple, première famille française à s’être installée à Québec avec ses enfants en 1617.
Anne Rivet a été l’objet du deuxième article de mon blogue. Je venais, quelques temps avant, de trouver l’acte de son premier mariage avec Grégoire His, qui était resté inconnu jusque là. Et belle surprise, ses parents, aussi inconnus jusqu’à cette découverte et nommés dans cet acte, faisaient déjà partie de mon arbre généalogique comme parents de Catherine Rivet, aussi fille du roi. Anne et Catherine étaient donc soeurs. Il reste des choses à découvrir sur les soeurs Rivet. On ne trouve pas de trace d’elles ou de leurs parents dans les villes dont elles déclarent être originaires, Sées pour Anne, et Etampes pour Catherine.
J’ai pris beaucoup de plaisir à chercher l’ascendance des Levasseur, Pierre, Jean et Jeanne, et du mari de cette dernière, Christophe Drolet. Ce couple, contrairement aux frères de Jeanne, n’est pas resté en Nouvelle France. Ils y ont fait deux longs séjours, puis sont repartis en France en laissant un de leur fils à Québec. Je ne sais pas où et quand est morte Jeanne, mais Christophe Drolet s’est remarié à un âge avancé à Paris.
Parmi ces 176 articles, certains m’ont laissé, pour une raison ou pour une autre, des souvenirs plus vivaces. Un de ceux-là est 24. D’où venaient-ils, et quand sont-ils venus? Un gros travail dans toutes les branches de mon arbre, et un article dont je suis assez fier.
Il y a aussi la série d’articles sur l’ascendance d’Élisabeth Hubert. A ma connaissance, on ne connaissait que ses parents et ses grands parents paternels. Mes recherches ont permis de retrouver 40 de ses ancêtres, jusqu’à la sixième génération. Dans le même esprit, il y a les articles sur Jeanne de Chavarlanges, Etienne Jacob, François de la Joue, ou Anne Lagoue, dont on ne savait pas grand chose et pour lesquels j’ai pu retrouver plusieurs ancêtres.
Je reste étonné par le destin d‘Elisabeth Price, dont la vie mouvementée me touche toujours autant. Quelle force pousse ces personnes, confrontées à des horreurs inimaginables, à continuer à se battre et à vivre, tout simplement?
Etonné, encore, par Joseph Fournier, cet ancêtre qui a traversé en canot et à pied une grande partie du territoire canadien au début du XIXè siècle. Certains, près de deux cent ans plus tard, retrouvaient l’esprit aventurier de leurs ancêtres qui avaient traversé l’océan pour commencer une nouvelle vie.
Une petite mention spéciale pour Noël Lemelin, ce chirurgien de la peste qui a parcouru une partie de la France, dans la première moitié du XVIIè siècle, pour soigner les malades de ces terribles épidémies.
Et puis il y a ceux pour lesquels j’ai retrouvé la trace, parfois l’acte de baptême, ailleurs que dans les villes habituellement citées, leur redonnant leur origine réelle, Anne Le Roy, à Sens plutôt que dans l’Aube, Mathurin Sionneau, à Sainte Pezane en Vendée plutôt qu’à Sainte Pazanne, en Loire Atlantique, Anne Colin à Bray sur Seine plutôt qu’à Sens, Jeanne Legendre, à Quincy-Voisins plutôt qu’à Saint Denis lès Rebais et Anne Foubert, à Arpajon (Châtres sous Montlhéry) plutôt qu’à Châtres.
Il me reste toujours un sujet de recherche qui me tient particulièrement à cœur, le sujet ultime en quelque sorte. Anthoine Brassard et Françoise Méry ont implanté le nom de ma famille dans la Nouveau Monde en se mariant à Québec en janvier 1637. Personne n’a pu, jusqu’à maintenant, trouver d’où ils étaient venus l’un et l’autre. Je ne désespère pas.
Pour finir, un gros merci à celles et ceux qui suivent le blogue, et qui me font part de leurs réactions.
Etienne de Saint Père, maître pâtissier, on l’a vu dans l’article précédent, fut le premier mari de Noémie (Madeleine) Cousteau, et père de Jeanne et de Catherine de Saint Père, pionnières, comme leur mère, de la Nouvelle France. Etienne, lui, n’a pas fait la traversée, mort en France avant que sa famille ne parte. Je descends d’Etienne à la onzième génération par mon père, a travers ses deux filles.
Etienne de Saint Père est mort entre le 28 juillet 1637, date du baptême de sa fille Blanche, et le 18 mai 1639, date où Noémie Cousteau passe un contrat de mariage à La Rochelle.
J’ai trouvé trace de pâtissiers nommés Estienne de Saint Père, dans quatre villes: Saint Jean d’Angély et La Rochelle, en Charente Maritime, Poitiers, dans la Vienne, et Orléans, dans le Loiret.
Saint Jean d’Angély, 1626-1637
Le mariage d’Estienne et de Noémie Cousteau a eu lieu le 26 mai 1626 à Saint Jean d’Angély.
Je redonne ici les baptêmes et inhumations des enfants d’Etienne et de Noémie Cousteau, baptisés à Saint Jean d’Angély, pour cinq d’entre eux, et à La Rochelle, pour la troisième née:
Jeanne, pionnière, baptisée le 5 février 1627 à Saint Jean d’Angély
Olivier, baptisé le 31 juillet 1628 et inhumé le 23 décembre 1628 à Saint Jean d’Angély
Marguerite, baptisée le 28 octobre 1629 à La Rochelle (Sainte Marguerite) et inhumée le 14 septembre 1630 à Saint Jean d’Angély. Dans son acte de baptême, Estienne de Saint Père est dit maître pâtissier.
Lazare, baptisé le 5 novembre 1632 et inhumé le 30 mars 1634 à Saint Jean d’Angély
Catherine, pionnière, baptisée le 26 août 1634 à Saint Jean d’Angély
Blanche, baptisée le 28 juillet 1637 et inhumée le 16 février 1640 à Saint Jean d’Angely
Poitiers, 1617-1622
Dans les 10 années qui précèdent son mariage avec Noémie Cousteau à Saint Jean d’Angély, on retrouve à Poitiers, cent quinze kilomètres au nord-est, Estienne de Saint Père, aussi maître pâtissier. Avec son épouse Magdeleine Janneau (Jehanneau), il baptise trois enfants. Le prénom, le nom pas très courant et le métier, qui sont les mêmes, me font penser qu’il s’agit de la même personne.
Son épouse, Magdelaine, est fille d’Aubin Janneau (le prêtre le nomme Genneau, mais il signe Janneau) et de Charlotte du Boys. Ce couple aura huit enfants entre 1598 et 1610, tous baptisés à Saint Didier de Poitiers. Magdelaine y est baptisée le 6 février 1598. https://archives-deux-sevres-vienne.fr/ark:/28387/vta2558a50d910dd89e/daogrp/0/95
Aubin Janneau est dit maître pâtissier dans les actes de baptême de quatre de ses enfants, Hellenne, le 12 avril 1604, Suzanne, le 12 mars 1606, Pierre, le 20 mars 1608 et Anthoine, le 18 février 1610. On l’a vu dans l’article précédent, le père de Noémie Cousteau était aussi maître pâtissier. C’est donc dans sa corporation qu’Estienne de Saint Père aura trouvé ses deux épouses.
Voici les actes de baptême des trois fils d’Estienne et de Magdeleine Janneau:
Pierre, baptisé le 10 février 1617 dans l’église Saint Cybard de Poitiers. Estienne signe au bas de l’acte.
Ce Jourd’huy, dixiesme febvrier mil six cent et dix sept a esté baptizé Pierre, fils de Esitenne de Sainct Père, maître pâtissier audit Poictiers, et de Magdeleinne Jehanneau, son espouze. Ont esté parrains Pierre Fauveau, segrettain de Sainct Didier, et Jehan Robbert, maître Paulmier audit Poictiers, et marrenne Jehanne Dorigny. https://archives-deux-sevres-vienne.fr/ark:/28387/vta568e41eaf268852e/daogrp/0/51
Hugues, baptisé le 17 novembre 1619 à Saint Savin.
Aujourd’huy, dix septiesme jour de novembre mil six cent dix neuf, a esté baptissé en l’église de céans Hugues de Saint Père. Les père et mère Estienne de Sainct Père et Magdelleyne Janneau, ses père et mère, parroissiens de l’église de Céans et sont les parrains et marrennes Hugues Vilquier et Anthoine Pelisson, procureur au siège présidial de Poictiers, et Marie Janneau, demeurant en ladite ville de Poictiers. Faict ledit jour et an que dessus. J’ai entouré en rouge la signature du père, de Sainct Père, et juste au dessus, celle de Marie Janneau, probable parente de la mère. https://archives-deux-sevres-vienne.fr/ark:/28387/vta370b51c5465abc8f/daogrp/0/15
Siméon, baptisé le 7 mai 1622 dans l’église Saint Cybard.
Jacques Audinet, parrain de Siméon, était l’époux de Simonne Janneau, soeur de Magdeleine.
Je n’ai plus trouvé trace d’Estienne entre le baptême de Siméon, en 1622, et son mariage avec Noémie Cousteau le 26 mai 1626 à Saint Jean d’Angély.
La famille de Magdeleine était, je l’ai indiqué plus haut, de la paroisse Saint Didier de Poitiers. Malheureusement, les actes de mariage de cette paroisse ne commencent qu’en 1622. La famille de Saint Père a vécu dans les paroisses Saint Cybard et Saint Savin. Les actes de sépultures de la paroisse Saint Cybard ne commencent qu’en 1630 et ceux de Saint Savin ne commencent qu’en 1668. Je n’ai donc pas pu trouver l’acte de mariage d’Estienne et de Magdeleine, pas plus que l’acte d’inhumation de celle-ci.
Un détail m’interroge. Connaissant la signature d’Estienne, vue dans les registres de Poitiers, je me suis mis à sa recherche dans les registres de Saint Jean d’Angély. Nulle part, ni dans les actes concernant ses enfants baptisés dans cette ville, ni dans le reste des registres des baptêmes et des mariages entre 1625 et 1640, je n’ai trouvé la signature d’Estienne de Saint Père, alors qu’il avait signé deux des trois actes de baptême de ses fils à Poitiers.
Orléans, 1600
Dans son acte de mariage à Saint Jean d’Angély, Estienne de Saint Père était dit de la ville d’Orléans. J’ai évidemment cherché sa trace dans cette ville.
Dans le Volume 9 des Mémoires de la Société archéologique de l’Orléanais (1866), on trouve ceci pages 357 et 358:
Pour montre des troubles que ledit prévost d’Orléans est ordinaire de faire aux officiers de la justice dudit prieur, que le jour de Saint-Laurent dernier, 10 août 1600, qui est un jour célèbre et de dévotion où tout le peuple, non seulement de la ville, mais des villages voisins de deux, trois, quatre et cinq lieues, viennent en procession et grande affluence dans ladite église de Saint-Laurent, comme en un lieu re- marqué de grande dévotion, où, pendant que le bailly de la justice de Saint-Laurent était occupé à faire appeler les habitants dudit Saint-Laurent, qui lui sont justiciables, pour leur faire quelques ordonnances et réglements, et aussi que ledit prieur était à l’église à faire le service en icelle, certains pâtissiers allèrent en une hôtellerie étant audit lieu de Saint-Laurent, où de force ils enle- vêrent les viandes qui étaient préparées pour le dîner, tant dudit prieur que du bailly et officiers de la justice, et ce par l’autorisation et ordonnance dudit prévôt, ce qui causa un scandale et un tumulte bien grand entre la multitude du peuple qui allait en ladite église de Saint- Laurent, voyant force et violence si grande sous ombre de justice. Et même le lieutenant dudit prévôt, sans cognoissance de cause, de force et violence, enleva hors des prisons un prisonnier qui y avait été mis par l’ordonnance du bailly de Saint-Laurent.
Le prisonnier en question s’appelait Etienne de Saint Père, et il était maître pâtissier. Encore une fois, on peut se demander s’il s’agit bien du même homme. J’ai tendance à penser que oui, mais il faudra encore en trouver la preuve.
Un possible parent?
Un autre pionnier de la Nouvelle France avait pour nom de Saint Père. Jean de Saint Père, selon le Dictionnaire biographique du Canada, arrivé dans la colonie probablement en 1643, a vécu à Montréal, où il fut le premier greffier et le premier notaire de la ville. Il épousa Mathurine Godé le 25 septembre 1651 à Montréal. Ils auront un fils, Claude, né en 1655 et mort à sept ans, et une fille, Agathe, née en 1657, qui épousa Pierre le Gardeur de Repentigny, et qui mourut en 1747, à 90 ans.
Jean de Saint Père mourut le 25 octobre 1657, tué par des iroquois. Son âge estimé dans les pièces en Nouvelle France le ferait naître vers 1618. Une légende étonnante entoure sa fin tragique. Leurs meurtriers scalpèrent le beau-père de Jean, Nicolas Godé et le serviteur de celui-ci, mais décapitèrent Jean de Saint Père et emportèrent sa tête. Des iroquois auraient rapporté que, pendant leur fuite, cette tête se mit à leur parler en langue iroquoise pour leur reprocher leur conduite, et rien ne pouvait la faire taire. Même après avoir prélevé le scalp et s’être débarrassés de la tête, la voix de Saint Père continuait de se faire entendre.
Lors de son mariage, Jean de Saint Père avait déclaré être originaire de Dormelles, dans le Gâtinais, aujourd’hui dans le département de la Seine et Marne. Son père s’appelait Etienne, et sa mère Etiennette Julien. Cet Etienne n’est surement pas notre pâtissier, puisque celui-ci se trouve à Poitiers entre 1615 et 1622. Dormelles est à une centaine de kilomètres d’Orléans, on pourrait imaginer que les Saint-Père d’Orléans et ceux de Dormelles étaient parents, mais là aussi, il faudrait trouver des actes pour confirmer ou infirmer.
Je dédie cet article à ma nièce, Noémie Dubuc. D’une Noémie à l’autre, 380 ans !
Noémie Cousteau arrive en Nouvelle France probablement en 1647. Le 12 octobre de cette année-là, elle est à Québec, dans la maison de Guillaume Hubou, devant Claude Lecoustre, pour passer un contrat de mariage avec Esmery Caltaux. Elle déclare être veuve d’Estienne St-Père, de la ville de Saint Jean d’Angely, et être fille de Jean Cousteau et de Jeanne Morant.
Elle se marie deux jours plus tard, le 14 octobre 1647 à Québec. Dans son acte de mariage comme dans tous les actes où elle figure en Nouvelle France, elle est appelée Madeleine. Elle épouse Emery Caltaut, originaire des Gonds, en Charente-Maritime. Elle déclare venir de Saint Jean d’Angély, (ville aujourd’hui située dans le même département, à une soixantaine de kilomètres au sud-est de La Rochelle). Elle nomme à nouveau ses parents, Jean Cousteau et Jeanne Morant.
L’acte commence par une formule un peu énigmatique. Le 14 d’octobre 1647, les trois bans aiant esté publiés le iour précédent pour le départ soudain des deux parties… Quel départ soudain aurait pu précipiter la publication des bans? Madeleine et son mari ont dû quitter Québec sitôt le mariage célébré. S’ils avaient dû partir pour un autre lieu en Nouvelle France, il n’y aurait pas eu besoin de précipiter le mariage. Je ne vois qu’une autre raison qui aurait pu expliquer cette obligation. Les derniers bateaux partant de Québec vers la France le faisaient en général en octobre ou novembre pour éviter les glaces sur le fleuve. Ils ont dû faire valoir qu’ils devaient s’embarquer sur un bateau dans les tout prochains jours afin de retourner en France, certainement pour régler des affaires. Peut-être Madeleine, maintenant remariée, repartait-elle chercher ses filles afin de les ramener dans la colonie.
Esmery et Madeleine ont dû revenir en Nouvelle France en 1648. On retrouve Emery Calletaut à Trois-Rivières le 1er juin 1649 où il se fait concéder une terre au Cap de la Madeleine. Dans le même acte, deux autres terres sont attribuées à Pierre Guillet et Mathurin Guillet, qui sont les gendres de Noémie-Madeleine Cousteau. Les frères Guillet ont épousé, sans qu’on ait retrouvé les actes de mariage, Jeanne et Catherine de Saint Père, les deux filles que Noémie avait eu de son premier mariage, en France, avec Estienne de Saint Père. Je descends de Noémie Cousteau par mon père à la onzième et à la douzième génération, quatre fois à travers sa fille Jeanne et deux fois à travers sa seconde fille Catherine.
Emery Calleteau meurt le 2 juin 1653, tué par des iroquois prés du Fort du Moulin, au Cap de la Madeleine.
Madeleine passe un contrat de mariage le 2 novembre de la même année avec Claude Houssard, habitant du Cap de la Madeleine, âgé d’une dizaine d’années de moins qu’elle. Le contrat est passé devant Séverin Ameau à Trois Rivières. Le couple est recensé à Trois Rivières en 1666, dans le comté de Champlain en 1667 et à Batiscan en 1681. Claude Houssard meurt le 4 et est inhumé le 5 août 1689 à Batiscan.
Madeleine est inhumée le 10 septembre 1691 à Batiscan. Les recensements de 1666 et 1667 lui donnent 60 ans, et celui de 1681, 75 ans, ce qui indique une naissance vers 1606. Elle n’a eu d’enfants ni avec Esmery Caltaux, ni avec Claude Houssard.
Noémie Cousteau en France
Etonnamment, alors qu’elle est toujours appelée Madeleine dans le Nouveau Monde, dans les actes qui la concernent en France, Madeleine Cousteau est toujours appelée Noémie (Noémy, Noémi), à une exception, cependant, dans l’acte de baptême de sa fille Catherine, où elle est nommée Jeanne. Si ce n’était son acte de mariage avec Etienne de Saint Père et les actes de baptêmes de ses deux filles, Jeanne et Catherine, également pionnières, dans les registres de Saint Jean d’Angely, on pourrait se demander si on est bien en présence de la même femme.
J’ai déniché, il y a quelques années, l’acte de mariage de Noémie Cousteau et d’Estienne de Saint Père.
Le mardy vingt sixiesme may mil six cent vingt six a esté faicte la bénédiction nuptiale de Estienne de St Père, de la ville d’Orléans, avec Noémy Coustault, de la ville et parroisse de St Jean d’Angély, en présence de Jean Coustauld et de Euriel et Estienne Pénigauld, frères, Pierre Tardif. http://www.archinoe.net/v2/ark:/18812/f552e2a2b327fa664eb37c247c0b625c
L’acte nous apprend qu’Estienne était originaire de la ville d’Orléans, j’y reviendrai dans un prochain article. Jean Coustauld, présent à la cérémonie, doit être le père de Noémy, qu’elle avait nommé dans ses actes et contrats de mariage en Nouvelle France.
Estienne de Saint Père et Noémie Cousteau ont eu six enfants, dont deux seulement survivent:
Jeanne, pionnière, baptisée le 5 février 1627 à Saint Jean d’Angély
Olivier, baptisé le 31 juillet 1628 et inhumé le 23 décembre 1628 à Saint Jean d’Angély
Marguerite, baptisée le 28 octobre 1629 à La Rochelle (Sainte Marguerite) et inhumée le 14 septembre 1630 à Saint Jean d’Angély. Dans son acte de baptême, Estienne de Saint Père est dit maître pâtissier.
Lazare, baptisé le 5 novembre 1632 et inhumé le 30 mars 1634 à Saint Jean d’Angély
Catherine, pionnière, baptisée le 26 août 1634 à Saint Jean d’Angély
Blanche, baptisée le 28 juillet 1637 et inhumée le 16 février 1640 à Saint Jean d’Angely. Estienne de Saint-Père est dit décédé dans l’acte d’inhumation de la petite.
Noémie passe un contrat de mariage le 18 mai 1639 à La Rochelle, devant le notaire Pierre Teuleron, avec André Musset. J’ai fait appel à l’entraide généalogique (Fil d’Ariane) pour pouvoir consulter ce contrat. Un bénévole a bien voulu aller voir les minutes du notaire Teuleron aux Archives départementales de la Charente-Maritime, mais, si l’acte est bien inscrit dans son répertoire, l’acte lui-même se trouve dans une liasse qui n’est pas communicable, du fait de son état de conservation. J’ai lu à plusieurs reprises que ce contrat avait été annulé ensuite. On retrouve pourtant Noémie et André Musset à La Rochelle dans les registres de la paroisse Sainte Marguerite.
Je n’ai pas trouvé l’acte d’inhumation d’André Musset, époux de Noémie Cousteau, et n’ai plus croisé Noémie en France entre 1643 et son arrivée à Québec en 1647.
Une de ses soeurs passe un contrat de mariage le 10 février 1642 à Saint Jean d’Angély devant le notaire Julien Chouet. Jehanne épouse Simon Guiet, et déclare être fille de feus Jean Coustaud, maître pâtissier, et de Jehanne Morand. Jehanne a trois témoins, ses cousins Samuel Glaumon, maître tailleur d’habits, Berthommé Martin, maître cordonnier et André Durant, aussi cordonnier. https://www.geneanet.org/registres/view/1444611/1015
Noémie est surement née dans une famille protestante. Je m’étonnais de ne pas trouver beaucoup de Cousteau dans les registres catholiques de Saint Jean d’Angély, qui commencent en 1613, et d’en croiser dans les minutes des notaires de la ville à la même période. Saint Jean d’Angély a hébergé une importante population protestante, mais, malheureusement, leurs registres ont disparu. En regardant les registres protestants de Charente Maritime, j’ai croisé des Cousteau. Le prénom Noémie est un de ces prénoms tirés des livres de l’Ancien Testament que les protestants français affectionnaient à cette époque, et on voit aussi des baptêmes de fillettes appelées Noémie dans les registre protestants de la région. Noémie et sa famille se seront convertis au catholicisme peu avant son mariage avec Etienne de Saint Père. Il y a peut-être aussi là une explication à son changement de prénom en Nouvelle France. Ce prénom de baptême était-il trop marqué pour un pays, la Nouvelle France, où le protestantisme était interdit?
Le contrat de mariage de la soeur de Noémie, dont j’ai parlé plus haut, est aussi intéressant à ce sujet. Les cousins témoins de Jehanne Coustaud sont tous les trois protestants, ou nés dans des familles protestantes. Un de ces témoins est d’ailleurs le père d’un autre pionnier de la Nouvelle France.
Samuel Glaumon, maître tailleur d’habits, passe son contrat de mariage avec Marie Chenu le 23 janvier 1629 devant le notaire Julien Chouet, à Saint Jean d’Angély. Le contrat indique que le mariage se fera selon les observances de l’église réformée de France. Trente neuf ans plus tard, leur fils Pierre fait acte d’abjuration le 22 novembre 1668 à Notre Dame de Québec. Il se mariera deux fois à Québec, mais n’aura pas de descendance connue. Il meurt et est inhumé le 10 décembre 1713 à Québec. Le prêtre estime son âge à 68 ans. Samuel Glaumon et Noémie Cousteau étant cousins, Jeanne et Catherine de Saint Père avaient donc un petit cousin en Nouvelle France en la personne de Pierre Glaumon. Se sont-ils jamais croisés? Les soeurs de Saint Père vivaient dans la région de Trois Rivières alors que Pierre Glaumon vivait dans la ville de Québec.
La famille Morant
On trouve aussi des Moran (Morant, Moren, Morand) dans les minutes des notaires de Saint Jean d’Angély, qui sont également protestants. J’ai repéré Jeanne Morant, mère de Noémie dans un contrat de mariage, et son mari, Jean Coustault dans une autre contrat concernant la famille Moran.
Le 3 avril 1610, devant le notaire Louis Sureau à Saint Jean d’Angély, Jehanne Morand, fille de feu Jehan Morand et de Francoyse Ryvallet, s’engage avec Simon Aubouyn. Parmi les témoins de Jehanne, on trouve Jehan Coustault, son cousin. Le contrat indique que le mariage se fera à l’église réformée. https://www.geneanet.org/registres/view/1444630/43
Le 28 mai 1617, devant le notaire Paul Dugrot, François Moran, marchand, fils de feus Mathias, laboureur à bras, et de Marie Herfeuil (?) s’engage avec Magdeleine Bonamy. Les parties font profession de la foi réformée. Les témoins de François sont Louys Moran et Jehan M??????, ses cousins germains, et Janne Moran, femme de Jehan Coustaut, maître pâtissier, sa cousine. https://www.geneanet.org/registres/view/1444620/1032
Noémie s’est donc mariée quatre fois, deux en France et deux en Nouvelle France. Comme quelques autres de mes femmes ancêtres, sans fortune personnelle et sans enfants suffisamment installés sur lesquels se reposer, la suite de la vie ne pouvait s’envisager que dans un mariage. Je me suis souvent demandé quelle part prenaient les sentiments dans ces unions successives, et quelle part reposait plutôt sur une association réfléchie entre deux personnes mesurant leur intérêt.
Deux jours après avoir publié l’article sur Marguerite Boileau et Jean Serreau, j’ai lu un article passionnant paru en septembre 1982, dans le No 3 du Volume 13 des Cahiers de la Société historique acadienne. L’article de l’abbé Jean-Paul Médéric Tremblay est intitulé Un homme de cette sorte, Jean Serreau de Saint Aubin.
On y suit Jean Serreau depuis sa jeunesse jusqu’à sa mort, et même après, avec sa descendance. Un grand nombre de pièces d’archives sont citées, qui nous en apprennent beaucoup sur le personnage. A lire absolument si on s’intéresse à l’homme. Vous pouvez le consulter en cliquant ici.
Je vais faire quelques remarques sur certains éléments de ce texte, mais qui ne font pas disparaître les grandes qualités de l’article qui, je me répète, est passionnant.
J’ai une réserve sur la première partie de l’article, indiquant la présence de Serreau en Acadie dans les années 1640, dans l’entourage de Charles de Menou d’Aulnay, en se basant sur une signature au bas d’un acte passé à La Rochelle le 16 mai 1642. L’abbé disait que Jean Serreau avait été présent comme témoin de cet acte. La signature qu’on y voit n’est cependant pas celle de Jean Serreau, mais celle de Jean Sarrau, un praticien dont Guy Perron a relevé la présence dans différents actes concernant la Nouvelle France. Merci à M. Perron qui m’a fait parvenir une image de cet acte.
A gauche, la signature de Jean Sarrau en 1642, et à droite, celle de Jean Serreau au bas du contrat de mariage de Marie Boileau, sa belle-soeur, avec Isaac de Lavant, en 1667.Ces deux signatures sont trop différentes pour qu’on puisse les confondre.
Vous pouvez consulter le blogue de Guy Perron en cliquant sur ce lien:
L’article permet de comprendre la présence épisodique de Marguerite Boileau à Québec ou dans ses environs. Une visite prolongée dans la famille de Marie, soeur de Marguerite, explique leur présence en 1687. Les aléas des guerres coloniales et des raids des bostoniens expliquent leur présence à l’Ile d’Orléans en 1695-1696. La seigneurie de Serreau était la première que les anglais rencontraient sur le territoire de l’Acadie française, et il l’ont ravagée à quelques reprises. Plusieurs membres de la famille Serreau ont été prisonniers à Boston pendant une période relativement longue. La famille est revenue pour quelques temps dans la vallée du Saint Laurent, avant de repartir sur place relever leur établissement.
Un autre élément a attiré mon attention. Dans quelques actes que cite l’abbé Tremblay, actes que j’ai pu consulter sur le site de BAnQ (Bibliothèque et Archives nationales du Québec), Jean Serreau est dit écuyer, sieur de Saint Aubin. Je ne sais pas ce qu’il faut penser de ce titre d’écuyer. L’était-il de naissance, l’a-t-il gagné ensuite, ou l’a-t-il un peu inventé, comme d’autres? On ne lui donne pas le titre d’écuyer dans les actes les plus anciens, ni dans son acte de mariage à Poitiers, ni dans la lettre de rémission de 1666. Tremblay soulevait lui-même la question, mais penchait pour un titre hérité de son père.
D’autres pièces éclairent le parcours de Serreau en Nouvelle France. Il est souvent écrit, et c’est ce que Tremblay indiquait aussi, qu’après le meurtre de Terme, Serreau aurait été forcé de quitter sa terre de l’Ile d’Orléans par Barbe de Boulongne, veuve d’Ailleboust, seigneuresse d’Argentenay, de qui il tenait cette terre, par un arrêt rendu en juillet 1667. Il est étonnant de noter que cette terre ne sera vendue par Serreau à Jean Amory que le 28 octobre 1671, devant le notaire Paul Vachon, et que l’affaire ne sera définitivement réglée que le 4 juillet 1672. Ce n’est pas très rapide, comme déguerpissement.
Dans l’acte de vente du 28 octobre 1671, Jean Serreau indique qu’il fera ratifier la vente par sa femme dès qu’il le pourra, celle-ci étant « de présent en France ». Pour quelle raison Marguerite était-elle repassée en France? Peut-être ce voyage était-il lié à la succession de sa mère. Je ne sais pas quand elle est revenue dans la colonie.
Après 1671, Serreau part à Baie Saint Paul, aux limites de la seigneurie de Beaupré, appartenant à l’évêque de Québec, François de Laval, et des terres du roi. Il se crée un établissement qu’il défriche, met en culture et travaille pendant cinq ans. Serreau ne disposait pas d’une concession pour cette ferme, et en 1676, l’évêque décide de l’en expulser, mais, reconnaissant le travail et les investissement qui avaient été faits, il consent à acheter la ferme pour dédommager Serreau. La vente est conclue le 3 septembre 1676 à Québec, devant la notaire Romain Becquet, pour la valeur de 1100 livres, qui seront remis à Serreau plus tard, plus 66 livres, seize sols et quatre deniers qui ont été donnés le jour même, et cent livres, que Serreau devait à l’évêque. Le 4 novembre 1676, Serreau atteste devant notaire que les sommes prévues lui ont bien été versées.
Une dernière observation sur l’article. M. Tremblay relevait que dans les pièces d’un procédure de 1673 contre Jeanne Poireau, femme qui demandait la séparation de biens et de corps d’avec son mari, l’huissier Pierre Biron, celle-ci est désignée par plusieurs témoins comme « une putain », et quelques uns de ces témoins indiquent qu’elle se livrait à la débauche et qu’une autre femme, la Saint Aubin, en faisait autant. On pourrait effectivement croire, vu le passé de Marguerite, qu’elle soit cette Saint Aubin. Ce n’est peut-être pas le cas. Dans un des témoignages, on désigne la comparse de Jeanne Poireau comme la Sainct Aubin, femme de Jacques Avise.
Je ne suis pas certain du nom, Avise, mais il n’y a aucun doute sur le « femme de Jacques ». Marguerite Boileau n’était donc peut-être pas cette Saint Aubin-là.
Les dernières années du sieur de Saint Aubin en disent long sur l’homme. Il participe activement en 1696-1697, à 70 ans passés, à la campagne militaire qui permet de reprendre Terre-Neuve aux anglais. Il fait un dernier voyage en France en 1703 pour demander et obtenir que sa terre de Pesmoncadie lui soit rendue dans son intégralité. Son domaine est encore une fois dévasté par les bostoniens en 1704, et la fille de Serreau, Geneviève, et son mari sont à nouveau faits prisonniers. Le vieux pionnier se réfugie à Port Royal, où il meurt dans le dénuement. Etonnant destin que celui-là.
Marguerite et Marie Boileau, soeurs, sont des pionnières de la Nouvelle France. Jean Marie Germe a retrouvé de nombreuses pièces sur la vie de leur famille en France. (1) Jonathan Chenier Daoust a aussi travaillé sur l’ascendance des soeurs Boileau. (2) Leurs recherches nous permettent de remonter plusieurs générations. Leurs arbres publiés sur Généanet donnent des informations précieuses pour connaître mieux ces deux femmes et leurs ascendants.
C’est sur Marguerite que j’ai fait par hasard une découverte cette semaine. J’ai pu lire son acte de mariage avec Jean Serreau. On lit souvent qu’elle serait arrivée vers 1663 en Nouvelle France, où elle aurait épousé Jean Serreau dit Saint Aubin, originaire comme elle du Poitou. Le couple est pourtant arrivé ensemble de France vers 1660 ou 1661. On le sait grâce à une lettre de rémission accordée à Jean Serreau par Louis XIV, qu’on peut consulter sur le site des Archives Nationales du Québec. https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/3372176
En février 1666, à Saint Germain en Laye, le roi accorde cette lettre de rémission qui sera enregistrée au Conseil Souverain de Québec le 10 janvier 1667. Le texte est passionnant.
Jean explique qu’il vit habituellement à l’Ile d’Orléans, et qu’il est passé en Nouvelle France avec sa femme Marguerite Boyleau depuis environ cinq ans. Les faits reprochés à Jean Serreau ayant eu lieu à l’été 1665, et la lettre de rémission étant donnée en février 1666, le couple avait donc probablement fait la traversée à l’été 1660. Jean indique qu’après son arrivée en Nouvelle France, il y a vescu avec toute l’union et concorde qu’on peut souhaiter dans le mariage, mais que depuis un an, la situation s’est dégradée. Un nommé Terme, suisse de nation, s’est rapproché de Marguerite Boileau, et ils entretiennent une relation qui ne plaît pas à son mari.
Jean déclare que Terme hantait et visitait trop familièrement ladite Boyleau sa femme. Il en aurait pris quelque ombrage, et comme cette fréquentation s’augmentait tous les jours et qu’elle commençait de porter scandal au public, Jean aurait demandé à Terme de ne plus « hanter sa maison », et de ne plus voir sa femme. Aussi bien Terme que Marguerite avaient promis de cesser de se voir. Pourtant, huict ou dix jours après, le suppliant les ayant encor rencontrés ensemble avec des postures indécentes et déshonnestes, il pensait sérieusement à se séparer de sa femme. Mais un prêtre l’en aurait dissuadé, lui conseillant d’éloigner celle-ci pour un temps, ce qu’il avait fait, la confiant à un nommé Nourrice, qui vivait à deux lieues de chez lui. Jean les trouva pourtant encore ensemble. Marguerite lui aurait alors dit qu’elle était fâchée et que les visites de Terme lui étaient désagréables. Jean aurait encore éloigné sa femme, l’installant près de Québec, à cinq lieues de leur maison. Elle y aurait fait ses couches, et aurait ensuite demandé à son mari de l’autoriser à repasser en France, pour demander à sa famille de l’aider afin d’améliorer la situation du ménage. Jean aurait consenti à cette demande et obtenu le congé du gouverneur de Tracy pour qu’elle puisse sortir de la colonie.
Entre temps, Terme aurait revu Marguerite, et ils auraient passé deux jours sur la grève où Jean les aurait retrouvés et aurait souffleté sa femme. Terme prit alors son épée et menacé Serreau qui ne put que fuir. Terme vint le voir plus tard pour lui dire de ne plus s’opposer à sa relation avec Marguerite, et le menaça à nouveau de le tuer avec son épée. Serreau prit alors un bâton et lui en donna un grand coup sur la tête, duquel coup Terme mourut sur le champ.
De peur d’être condamné pour meurtre, Serreau prit la décision de fuir et de repasser en France afin d’obtenir le pardon et la rémission, qu’on lui accorda puisqu’il n’avait rien prémédité et n’avait fait que se défendre. Histoire compliquée, visiblement.
Jean et Marguerite auront quatre enfants. La première, Marguerite, née avant cette affaire, et sur laquelle je n’ai rien trouvé après son baptême. Le second, Pierre, baptisé en 1665 à Québec, est celui duquel Marguerite accoucha pendant l’affaire. Il épouse, le 4 février 1698 à l’église Saint Nicolas de Nantes, Judich van Woest Winchel. Pierre nomme ses parents, et déclare habiter à Plaisance, à Terre-Neuve. Geneviève, la troisième, est née un an après le retour de Jean de France, en août 1667. Elle se maria deux fois, vécut surtout en Acadie, où son père s’était installé. Elle baptise cependant un enfant en 1696 à l’Ile d’Orléans, dont la marraine est Marguerite Boileau, sa grand-mère. Le quatrième, Charles, dont je n’ai pas repéré l’acte de baptême, aurait vécu avec son père en Acadie et aurait eu deux fils avec une amérindienne. Pourrait-il être l’enfant né à Poitiers en 1658?
Jean ne laisse plus de trace dans la vallée du Saint Laurent après 1676. Il s’est installé en Acadie, où il demeure. Il meurt le 29 et est inhumé le 30 mars 1705 à Port Royal, aujourd’hui en Nouvelle Ecosse. On lui donne 85 ans. (3) Marguerite est marraine d’enfants baptisés dans différentes paroisses de l’Ile d’Orléans en 1669, 1687, 1692 et 1696. Le couple vivait-il séparé, ou Marguerite faisait-elle des allers-retours entre l’Acadie, où Jean était seigneur de Pesmoncadie (Passamaquoddy) et l’Ile d’Orléans ?
Leur histoire avait déjà mal commencé. J’ai parcouru leur acte de mariage récemment. Acte étonnant, inhabituel, dont j’ai déjà rencontré un semblable dans mes recherches. Jean et Marguerite sont mariés de force, le 4 février 1658 à Poitiers.
Le quatriesme jour de febvrier mil six cent cinquante huit fut célébré le mariage, dans la chappelle du palays royal de ceste ville de Poictiers deppendant de ma paroisse par permission spécialle de Mr Thomas, sieur des Couteaux, chanoine et grand pénitentiaire de l’Eglise de Poictiers, le siège épiscopal vacant, et encore par ordonnance de Mr le lieutenant criminelet Mr Jarno, procureur du roy en datte du vingt sixiesme janvier dernier signé Irland et Marc Jarno, ladicte ordonnance donnée sur requête (?) présente par Mes (Messire ?) Jean Serraud, prisonnier, entre ledict Mes Jean Serraud, natif de la paroisse de Bonnimatours, et de damoiselle Marguerite Boisleau, fille de défunct René Boisleau, vivant sieur de la Goupillère et de damoiselle Joachine Ferand, demeurant cy devant en la paroisse de Dercé et à présent dans la paroisse de Notre Dame la Petite en ladicte ville, laquelle aurait cy devant faict emprisonner ledict Serraut es prisons de la conciergerye du palays royal dudict Poictiers à cause et pour raison que laditte Boisleau, sa fille, estait grosse de ses oeuvres et mesme aurait accouché le mardy vingt neuf dudict moys de janvier dernier ce que ledict Serraut a recongnu estre véritable et en est demeuré d’accord et m’a requis et prié de l’espouser prestement avec ladicte Boisleau avec toutes les formes ordinaires, ce qui est faict en présence de Mes René Taillefer, Mes Thomas Barbarin, Pierre Cadriel, Jean Sallin, François Robelin et plusieurs autres. Le mariage est inscrit dans les registres paroissiaux de Saint Hilaire de la Celle. https://archives-deux-sevres-vienne.fr/ark:/28387/vtae1deedfbe9da1b44/daogrp/0/28
C’est sous le coup d’une ordonnance de justice, et sous la pression que Joachine Ferrand a fait exercer sur lui, que Jean Serreau demande à être marié à Marguerite Boisleau. Sa sortie de prison devait en dépendre.
Jean Serreau était donc originaire de Bonneuil Matours, petite ville située à un peu plus de 20 kilomètres au nord-est de Poitiers. Il y a quelques familles Serreau dans les registres paroissiaux, mais je n’ai pas repéré le baptême de Jean. Dercé, d’où venait Marguerite, est situé à 50 kilomètres au nord de Poitiers.
Je n’ai pas trouvé d’acte de baptême pour l’enfant né avant le mariage de Jean et Marguerite dans les registres de Poitiers.
Cet acte de mariage nous apprend que René Boisleau est mort avant le 4 février 1658, et qu’à cette date, sa fille Marguerite et peut-être toute sa famille vivait à Poitiers, dans la paroisse Notre-Dame la Petite, mais sans préciser depuis combien de temps.
Au bas de l’acte, on peut voir la signature de Marguerite Boileau, et juste au dessus de la sienne, une autre signature sur laquelle j’hésite entre Serreau et Ferrant.
Il y a six ans, j’avais fait des recherches sur cette pionnière arrivée en 1653 en Nouvelle France, à Québec le 20 septembre puis à Montréal le 16 novembre. Un an plus tard, le 23 novembre 1654 elle épouse Toussaint Hunault dit Deschamps à Montréal. Toussaint est laboureur et défricheur et est originaire de l’Oise. Marie et Toussaint faisaient partie de la Grande Recrue pour Montréal, et avaient fait la traversée sur le même bateau, le Saint Nicolas, parti de Saint Nazaire le 20 juillet 1653. Dans leur acte de mariage, Marie est appelée Lorgueil, dite de la ville de Cognac et fille de Pierre et de Marie Bruyère. Marie et Toussaint mettront dix enfants au monde, tous baptisés à Montréal. Sept d’entre eux se marieront.
Deux événements cruels, survenus à un an d’intervalle, sont venus assombrir la vie de Marie.
Je descends de Marie Orgueil par mon père, à travers sa fille Marie Thérèse, mariée à treize ans avec Guillaume Le Clerc. J’ai déjà parlé des guerres franco-iroquoises qui ont mené à des massacres dans les deux camps. Deux articles s’en faisaient l’écho:
Entre les années 1689 et 1692, des attaques iroquoises ont lieu sur le village de Lachenaie, où vivait Marie Thérèse et son mari. Le 17 août 1689, dans le registre paroissial de Saint Charles de Lachenaie, on trouve l’acte d’inhumation de Marie Thérèse.
Le dix septiesme aoust 1689 a esté enterrée Marie Thérèze Huneau, femme de Guillaume Le Clerc, habitant de La Chenaye, laquelle a esté trouvée tuée cruellement dans sa grange. Présence du sieur René Goulet et dudit Guillaume Le Clerc, lesquels ont déclaré ne sçavoir signer, de ce interpellés.
Comme pour le massacre de Lachine, dans lequel avait été tué René Chartier, il est difficile d’évaluer le nombre de victimes des attaques de Lachenaie, probablement une trentaine. L’acte d’inhumation de Marie Thérèse est suivi de ceux d’André Le Sire, Louis Sagot et Jean de Rémy, inhumés tous les trois dans des fosses creusées à l’endroit où on avait trouvé leurs corps. Puis, après l’acte d’inhumation de Rémy, on trouve ceci:
Le ving cinquiesme de novembre, j’ay suppléé les prières et cérémonies des funérailles sur une fosse dans l’église de la Chenaye où l’on avait enterré pendant mon absence plusieurs personnes et membres de ceux qui avaient esté tués par les hiroquois audit lieu quelque temps avant mon arrivée.
On avait dont inhumé des corps et des membres; les mises à mort avaient dû effectivement être cruelles. Marie Thérèse Hunault avait 26 ans à son décès.
Un peu plus d’un an plus tard, Marie Orgueil (tiens, elle a retrouvé son nom), veuve de défunt Toussaint Hunault, est devant le notaire Bénigne Basset en son nom et au nom de ses enfants mineurs, avec ses deux fils majeurs, André et Pierre. Ils cèdent leurs droits à Charles de Couagne pour cinq cent cinquante livres, afin que celui-ci mène à leur place les actions et poursuites contre le sieur Dumont de Blaignac, lieutenant d’une compagnie d’un détachement de la marine, pour raison du meurtre par luy commis en la personne dudit deffunct Hunault le treisième septembre dernier d’un coup d’espée qu’il luy aurait donné dans le corps.
Malheureusement, Dumont s’est enfui après le meurtre, et n’a laissé ensuite aucune trace, ni en Nouvelle France, ni en France. Justice n’a donc pas été rendue à la famille Hunault, et de Couagne n’a jamais été dédommagé.
Marie meurt le 29, et est inhumée le 30 novembre 1700 à Varennes, où vivait son fils aîné, André. Elle est inscrite sous le nom Marie Lorgueuil et le prêtre lui donne 70 ans.
J’étais donc parti, en 2016, à la recherche de la famille de Marie dans les registres paroissiaux de Cognac et j’y avais trouvé les actes de baptême de quatre soeurs de Marie, que j’avais transmis au Fichier Origine. Le nom de la famille à Cognac était Orgueil. En Nouvelle France, Marie est appelée Lorgueil (ou Lorgueuil). Deux fois, dans les actes de mariage de ses fils le 11 novembre et le 5 décembre 1686 à Pointe aux Trembles, elle est appelée Orcueil. Je n’avais pas alors trouvé l’acte de baptême de Marie, et n’avais plus trouvé trace de la famille Orgueil à Cognac après 1627.
La semaine dernière, alors que je faisais des recherches à La Rochelle sur une autre famille, mon vieux compagnon le hasard m’a fait croiser l’acte de baptême de Michel Orgueil, fils de Pierre et de Marie Bruelle, dans les registres paroissiaux de Sainte Marguerite de La Rochelle. Il est baptisé le 10 octobre 1630. La famille s’était probablement déplacée de Cognac à La Rochelle.
Comme je n’avais pas trouvé à l’époque l’acte de baptême de la pionnière à Cognac, et que les sources en Nouvelle France permettent d’évaluer sa naissance entre 1630 et 1639, j’ai poussé plus loin l’exploration des registres de Sainte Marguerite, espérant y trouver le baptême de Marie, mais rien.
En cherchant sur Généanet sur les noms de ses parents, j’ai vu qu’ils avaient baptisé une fille nommée Marguerite le 25 avril 1638 dans l’église Sainte Croix de Bordeaux. L’enfant était née le 20. La paroisse Sainte Croix possède une table alphabétique des enfants baptisés entre 1541 et 1792. J’ai parcouru la lettre O de cette table et, jolie surprise, j’y ai déniché le baptême de Marie, le 15 juin 1634.
Ledit jour fut bap[tisée] Marie, fille de Pierre Orgueille et de Marie Bruelle. Par[rain] Claude T???, maraine Marie Frugeaut. Nasq[uit]le 14è à 11 heures du matin.
J’ai aussi relu les registres paroissiaux de Saint Léger de Cognac, pour voir si, il y a six ans, je n’avais pas manqué quelque chose d’intéressant, et j’ai repéré l’acte de baptême d’une autre soeur de Marie, Marguerite, baptisée le 5 février 1614, que je n’avais pas vu à l’époque.
La famille de Pierre Orgueil et de Marie Bruère, telle que j’ai pu la reconstituer, se présente ainsi:
Je n’ai pas vu d’autres personnes nommées Orgueil dans les registres de Cognac. On y trouve cependant des Bruère.
Jehan Bruère et Marguerite Vigier baptisent des enfants à Cognac.
Pierre Bruère et Jehanne Duvergier baptisent aussi à Cognac.
Jehan Bruère et Hester Roy. J’ai pensé au départ qu’il s’agissait du même Jehan, mais ce n’est pas le cas. Jehan Bruère, fils de Jehan et de Hester Roy, est baptisé le 21 novembre 1632 à Cognac. Sa marraine est Marquise Vigier, veuve de feu Jehan Bruère.
Ces Bruère sont probablement parents de la mère de la pionnière. Jehan Bruère était parrain de Guillemette Orgueil, baptisée en 1623, et Marguerite Vivier était marraine de Marguerite, baptisée en 1614.
Je n’ai pas encore compris pourquoi le nom de la mère de Marie varie d’un acte à l’autre. A Cognac, elle est appelée trois fois Bruère, une fois Bruelle et une fois Brette. A La Rochelle, elle est appelée Bruelle et à Bordeaux, une fois Bruelle et une fois Bruère. Mystère.
Il serait aussi intéressant de savoir ce qui a amené la famille Orgueil à se déplacer de Cognac à La Rochelle, puis à Bordeaux. J’ai cherché les actes d’inhumation de Pierre Orgueil et de Marie Bruère, mais sans succès. Il y a peut-être une piste concernant la présence de leur fils Michel à Bordeaux dans les années 1650, mais rien de certain.