170. Les hypothèses: Marie Clotus II

En commençant cet article, il faut comprendre qu’il se base sur une hypothèse que j’ai énoncée dans l’article précedent. Si vous n’avez pas lu cet article, il vaut mieux le lire d’abord.

Peu de québécois peuvent se vanter d’avoir parmi leurs ancêtres un évêque de Paris. C’est pourtant le cas des descendants de Marie Clotus, dont l’arrière-arrière-arrière-grand-père, François de Poncher, fut évêque de Paris de 1519 à 1532. Une fois n’est pas coutume, je vais commencer par cet illustre ancêtre de Marie pour revenir vers elle.

François de Poncher (ou Ponchier) est né à Tours vers 1480, d’une famille dont plusieurs membres ont servi des rois de France dans des emplois divers. Son père Louis fut notaire et secrétaire du roi, et devint Trésorier de France en 1508. Il fut seigneur de Mancy, Lésigny, Villarceau, Villemenon et de Nesle la Gilberde. Louis avait épousé Robine (ou Roberte) Le Gendre.

Louis est mort le 6 octobre 1521 à Paris. Sa femme l’avait précédé, étant morte le 14 avril 1520.

Leur tombeau, avec leurs gisants de marbre, qui avait été édifié dans l’église Saint Germain l’Auxerrois de Paris, se trouve aujourd’hui au Louvre. Vous pouvez le voir en cliquant sur le lien suivant: https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl010096341

Leur fils François fut abbé commendataire de Bourgueil et de Saint Pierre le Fosseux, conseiller clerc au parlement de Paris, abbé de Saint Maur des Fossés. Le 14 mars 1519, il prend la succession de son oncle Estienne de Ponchier comme évêque de Paris. Etienne venait d’être nommé archevêque de Sens. L’évêché de Paris relevait à l’époque de l’archevêché de Sens.

Si Etienne semble avoir été un évêque de bonne renommée, il n’en va pas de même pour son neveu François, rapidement accusé de simonie, et d’avoir intrigué contre le roi. Une pièce émanant de François 1er datée du 10 janvier 1527 (1526 avant Pâques, donc 1527 dans le calendrier grégorien) en garde la trace. On ne peut douter de l’année, dans la mesure où en janvier 1526 du calendrier grégorien, François 1er était encore prisonnier de Charles Quint à Madrid.

Extrait de Pièces concernant les procès faits à des évêques, Bibliothèque nationale de France. Département des Manuscrits. Baluze 272, consulté sur Gallica. Ces pièces ont été rassemblées et retranscrites par Etienne Baluze, juriste du XVIIè siècle.

Le roi donne une commission au premier conseiller pour enquêter sur l’évêque de Paris. Les fautes reprochées à l’évêque sont toutes graves. François de Poncher finit par être enfermé au château de Vincennes dans l’attente de son procès. Le choix des personnes qui allaient juger un évêque devait être compliqué, et faire l’objet de tractations avec le pape, qui avait forcément voix au chapitre. L’évêque fut assassiné à Vincennes le 1er septembre 1532. Sa dépouille fut ramenée à Paris, et il fut inhumé dans le choeur de sa cathédrale. Le dessin de sa pierre tombale avait été relevé avant le changement du dallage du choeur de Notre-Dame au XVIIIè siècle.

Projet Collecta, ARCHIVE NUMÉRIQUE DE LA COLLECTION GAIGNIÈRES (1642-1715) L’inscription qui entoure l’image de l’évêque est la suivante: Cy dessoubs gist le corps de feu de bonne mémoire Messire Françoys de Ponchier en son vivant évesque de Paris abbé de St Maur des Fossés qui décedda le premier iour de septembre mil cinq cens trente deux. Priez Dieu pour son âme

François de Poncher, semble-t-il avant d’être évêque, eut une relation durable, le mariage n’est pas certain, avec Jeanne de Haultbois, fille (ou peut-être soeur) de Charles de Haultbois, évêque de Tournai. Décidément… Trois enfants sont nés de cette union, dont François, dernier né du couple. Au moment du décès de l’évêque de Paris, son fils est dit âgé de 10 à 12 ans, ce qui indiquerait que son père avait entretenu sa liaison avec Jeanne de Haultbois après sa nomination comme évêque.

François fils devint protestant, et fut pasteur en Suisse et en France. Un pasteur dont le père et peut-être le grand-père maternel étaient évêques, ce n’est pas banal.

Passé en Suisse dans les années 1550, François revient en France jusqu’à la Saint Barthélémy (1572), puis se réfugie en Suisse ou il se protège en changeant son nom; Poncher devient Cherpon (ou Cherpont). Il eut deux épouses, Catherine Brulé (contrat de mariage daté du 18 avril 1551, passé devant un tabelion de la châtellenie de Bertaucourt) puis Marguerite Chevalier, avec lesquelles il aura plusieurs enfants, parmi lesquels Jean, pasteur en Bretagne puis en Suisse et mort en 1586, Sara, épouse d’Etienne Favon, prospère marchand de Genève, Abraham, sieur de Lomeny, Daniel, sieur de la Salle, et Catherine. Abraham et Daniel revinrent tous les deux en France, où nous les avons croisés dans l’article précédent, comme témoins, oncles maternels du futur époux, lors du contrat de mariage de Nicolas Clotus et Catherine Lefebvre. François de Cherpont, pasteur de Cornaux, mourut le 22 décembre 1596.

Catherine de Cherpont, fille du pasteur et soeur de Daniel et Abraham, épousa Pierre Clottu dit Perroud, maréchal (favre, forgeron) à Cornaux, en Suisse. Pierre était fils d’un autre Pierre, lui-même fils de Jean, et sa famille était implantée dans la région de Neuchâtel.

Un article des Feuilles d’Avis de Neuchâtel du 3 décembre 1969 a pour sujet la maison des Clottu à Cornaux, où est probablement né Abraham père, et qui allait être rasée pour permettre la construction d’une nouvelle Maison Communale.

Il est intéressant de noter que l’historien de Cornaux qui a fait les recherches pour cet article se nomme Clottu, probable descendant des Clottu cités dans l’article.

Les dates de naissance, de mariage et des décès des membres de la famille Clottu à Cornaux sont tirées du Baptistère de Cornaux, que je n’ai pas pu consulter, mais sont rapportées dans différents textes. Pierre Clottu et Catherine de Cherpont se sont mariés le 9 mars 1597 devant le pasteur Guillaume Jacquet, successeur de François de Cherpont. Ils ont eu plusieurs enfants dont Abraham, baptisé le 15 février 1601 à Cornaux. Et c’est ici que nous rejoignons l’article précédent. Cet Abraham épousera Magdeleine Turquan en 1627 à Saint Denis en France, et sera le grand-père de Marie Clotus, la pionnière.

Pierre Clottu serait mort le 2 avril 1644, enregistré sous le nom de Pierre Perroud. Catherine de Ponchere, vefve de Pierre Perrou est morte en 1650.

Comme je le disais dans la dernière partie de l’article précédent, malgré l’absence de Marie Dumont dans les actes qui concernent Abraham Clotus à Paris et à Saint Denis, je pense bien être en présence de la famille de la pionnière. Il reste à en trouver la preuve…

Sur la famille Poncher, le site Racines et histoire donne l’ascendance et la descendance de François, évêque de Paris. Vous pouvez consulter ce site en cliquant ici.

Parmi ses descendants, une des petites-filles d’Abraham de Poncher, sieur de Lomeny, inspira de jolis vers à Nicolas Boileau. Marie Poncher (cousine issue de germain d’Abraham Clotus) fut la Sylvie pour laquelle l’homme de lettres écrivit les Vers sur Marie Poncher de Bertouville.

Voici les lieux charmants, où mon âme ravie
Passoit à contempler Sylvie
Ces tranquilles momens si doucement perdus.
Que je l’aimois alors ! Que je la trouvois belle !
Mon cœur, vous soupirez au nom de l’infidèle :
Avez-vous oublié que vous ne l’aimez plus ?

C’est ici que souvent errant dans les prairies,
Ma main des fleurs les plus chéries
Lui faisoit des présens si tendrement reçus.
Que je l’aimois alors ! Que je la trouvois belle !
Mon cœur, vous soupirez au nom de l’infidèle :
Avez-vous oublié que vous ne l’aimez plus ?