189. Marie Rolet, acte de baptême !

Loin de moi l’idée de feuilletonner les informations pour tenir mes lecteurs en haleine, mais une heureuse surprise m’amène à publier ce nouvel article sur Marie Rolet à Sedan.

A l’approche de quelques jours de vacances, j’avais prévu de prendre la route de l’est pour aller voir la ville et le château de Sedan, dans le département des Ardennes, où Marie a été baptisée le 7 novembre 1577 et a vécu au moins ses huit premières années, et où son père, Jean Rolet, a été soldat et portier du château. J’avais envie de remercier de vive voix Véronique Chenel, membre du Cercle de généalogie et d’héraldique des Ardennes, qui avait bien voulu faire des recherches pour moi dans les fonds qu’on ne trouve qu’à Sedan. Elle avait ainsi trouvé la trace du baptême de Marie dans le fonds Gourjault, conservé à la médiathèque Georges-Delaw de Sedan.

Une semaine avant mon arrivée sur place, Véronique m’a indiqué qu’elle avait trouvé dans un autre fonds, conservé cette fois-ci à la Société d’histoire et d’archéologie du Sedanais, la transcription complète de l’acte de baptême de Marie. Aucune hésitation, il fallait que j’aille voir de mes yeux cette transcription tant espérée.

Elle est conservée dans le fonds Philippoteaux, dans les locaux de la SHAS. Le carton No 3032 contient les actes de baptêmes et de mariages des protestants de Sedan pour deux années, 1572 et 1577. Quelle chance, précisément l’année du baptême de Marie. L’acte se trouve dans le 3è cahier des baptêmes pour l’année 1577, dont voici la couverture.

Et voici la transcription de l’acte:

Jeudi 7, Marie, fille de Jean Robert, soldat du chasteau et de Anne [Coquu] sa femme. Pierre Berger et Damoiselle Marie L’Huillier P[arrain] M[arraine]

Cet acte, comme on le voit, pose la question de l’interprétation des sources anciennes. La personne qui avait relevé le même acte pour le Fonds Gourjault avait interprété le nom de famille en Rolet, alors que celle qui a fait le même travail pour le Fonds Philippoteaux indique plutôt Robert. Le baptême de Perrete, soeur de Marie, tiré du fonds Gourjault et vu dans l’article précédent de mon blogue, portait aussi le nom Robert. Nicole Rolet, dont je parlerai plus loin, est en général nommée Rolet, mais une fois, on la trouve nommée Robert dans les transcriptions.

Je continue de penser que nous sommes bien en présence des parents de Marie, et toujours pour les mêmes raisons, le prénom du père, son métier, le prénom et le nom de la mère. Les sources originales relevées au XIXè siècle pour les fonds Gourjault et Philippoteaux semblent perdues, et c’est bien dommage. J’aurais bien voulu y jeter un coup d’œil. Ces sources ont probablement été détruites pendant une des guerres qui ont abîmé la ville, Sedan étant une des premières places françaises qu’envahissaient les troupes allemandes lors des grands conflits, et elle eut à subir des bombardements sévères.

Mise à jour du 3 mai 2024.

J’ai pris contact avec les archives départementales des Ardennes, et ils m’ont confirmé que les registres anciens de la paroisse protestante de Sedan ont été détruits dans un bombardement, en 1940, qui a touché les bâtiments des Archives, où ils étaient conservés.

Je suis évidemment allé visiter la forteresse où a servi Jean Rolet. Le château est imposant et domine la vieille ville. Il a été commencé par Evrard de la Marck en 1424 à partir d’un château plus ancien, puis il a été agrandi et modifié par ses descendants, les seigneurs puis princes de Sedan de sa dynastie.

Ces deux vues du château sont prises de la rue du Promenoir des prêtres.

Le château eut trois portes au fil des siècles. La première, au sud-est, flanquée de deux grosses tours, a servi depuis l’origine du château jusqu’au milieu du XVIè siècle, où la construction du bastion des dames lui a fait perdre sa fonction de porte d’entrée.

La porte du XVè siècle

La troisième, la porte des Princes, a été ajoutée par Vauban, dans les années 1680, donc une centaine d’années après que Jean Rolet ait quitté le château; il ne l’a donc pas connue.

La porte des Princes

Au nord-ouest du château, on trouve le Palais des Princes, ou château bas, édifié à partir de 1611 pour répondre au goût nouveau apporté par la Renaissance. C’est entre les deux châteaux que se trouve la seconde porte. Elle est utilisée depuis le XVIè siècle, quand elle a pris le relais de la 1ère porte, et est très probablement celle où a travaillé Jean Rolet.

Le chemin d’accès vers la porte.
L’entrée, une fois la première grille franchie.
Puis, quelques mètres plus loin du côté droit en montant, un renfoncement de quelques mètres carrés où on pourrait imaginer notre portier.

La rampe continue de monter et tourne à gauche pour accéder à la cour du château.

Véronique Chenel m’a fait connaître les locaux de la SHAS, où nous avons reçu un très bon accueil des bénévoles qui tiennent une permanence tous les lundis. Nous avons passé l’après-midi à fouiller les cartons du fonds Philippoteaux et du fonds Henry, qui contiennent une quantité assez incroyable de documents sur l’histoire de Sedan. Mis a part l’acte de baptême de Marie, qu’avait déniché Véronique, la seule piste nouvelle que j’ai pu y trouver est un acte de baptême au temple de Sedan d’un enfant de Jean Raullet, soldat du chasteau, et de Jehanne Chanay, sa femme, en date du 14 décembre 1572.

Item. Pierre, fils de Jean Raullet, soldat du chasteau et de Jehanne [Chanay] sa femme, présenté par Abraham Debra (?) et Perette [Bayart].

Nous avons évoqué, en voyant la date de naissance de cet enfant, la possibilité que Jean Raullet (Rolet) ait fait partie des nombreux protestants qui s’étaient réfugiés à Sedan après la Saint Barthélémy. Gouvernée par des princes protestants, la ville fut un lieu sur pour plusieurs d’entre eux.

Je m’étais interrogé, lors de mes premières recherches dans les actes des protestants de Sedan mis en ligne par Family Search, sur la possibilité que Jean Rolet ait eu une première épouse avant Anne Coqu. Nicole Rolet, fille de Jean, soldat, avait épousé Jean Régnier, également soldat, au temple de Sedan le 13 novembre 1575, deux ans avant la naissance de Marie. Leur fille Anne Régnier, baptisée le 4 décembre 1580 au temple de Sedan, avait eu pour parrain Jean Rolet.

Nicole, mariée en 1575, était donc née autour de 1560, ou avant. Anne Coqu ayant accouché de Claude en 1585, il y aurait un écart de 25 ans entre Nicole et Claude. D’où l’idée, peut-être, que Jean Rolet ait eu un premier mariage avec Jehanne Chanay, avec laquelle il aurait eu Nicole, Pierre et peut-être Marie, épouse de Guillaume Tourond dont j’ai parlé dans mon dernier article, et qu’après le décès de Jehanne Chanay, il ait épousé Anne Coqu un an ou deux avant le baptême de Marie la pionnière. Ou alors, Nicole pourrait être une soeur de Jean le portier du château, et ils seraient enfants d’un autre Jean. Les archives départementales des Ardennes ont peut-être les réponses à ces questions.

166. Les hypothèses. Marie Rollet, d’origine protestante ?

J’ai travaillé quelques fois déjà sur Louis Hébert et Marie Rollet. Ils sont devenus des ancêtres fétiches. Premier couple à s’être installé en Nouvelle France avec ses enfants en 1617, Louis, apothicaire, a travaillé la terre et expérimenté l’adaptation de certaines cultures au climat de la colonie et contribué à la connaissance de la flore québécoise en Europe. Son métier l’a amené à soigner les habitants de la colonie, tant français qu’amérindiens. On sait aussi que Marie a joué un rôle dans l’éducation des enfants.

De Louis, j’ai pu remonter l’ascendance par les femmes. Sa mère et sa grand-mère maternelle étaient déjà connues. J’ai retrouvé son arrière-grand-mère et son arrière-arrière-grand-mère maternelles ainsi qu’un de ses quadrisaïeux. Vous pouvez lire cet article ici:

145. Louis Hébert, ascendance par les femmes

De Marie Rollet en France, je sais assez peu de choses. J’ai découvert, il y a quelques années l’acte de mariage du couple Hébert – Rollet à Saint Sulpice de Paris, daté du 19 février 1601. On y apprenait que Marie était veuve de François du Feu, marchand de Compiègne. Voici le lien vers l’article où je raconte cette découverte :

12. Louis Hébert et Marie Rollet

En juillet 1602, le couple achète de Perrette le Sain, veuve de Jacques de la Chaize, conseiller du roi, une masure en très piteux état sise rue de la Petite Seine, au faubourg Saint Germain des Prés. Quatre jours plus tard, ils vendent la maison à Anne Coqu, mère de Marie. Dans cet acte, les deux femmes déclarent ne savoir ni écrire ni signer.

Marie reçut en février 1606 une procuration de son mari pour s’occuper de leurs affaires pendant qu’il serait en Acadie avec du Gua et Champlain. C’est ainsi elle qui vendit à la reine Marguerite de Valois, conjointement avec sa mère Anne Coqu, co-propriétaire, la maison qu’elles possédaient sur la rue de la Petite Seine. Marie et sa mère ont appris à signer entre 1602 et ce 8 août 1606, puisqu’en fin de cet acte de vente, elles signent toutes les deux d’une main maladroite.

A gauche, signature de la reine Marguerite, et à droite, celles d’Anne Coqu et de Marie, qui signe Rolet.

Lors de leur installation à Québec, Louis et Marie ont trois enfants, Anne, Guillaume et Guillemette. Le frère de Marie, Claude, est aussi du voyage. J’ai très peu d’éléments sur ce frère.

Après le décès de son mari en 1627, Marie épouse en troisièmes noces Guillaume Hubou le 16 mai 1629. Elle est inhumée le 27 mai 1649 à Québec, où elle aura vécu trente deux ans.

Les parents de Marie sont connus par quelques actes passés à Paris.

Dans un acte daté du 15 mars 1607, Anne Coqu, veuve de Jean Royellet (sic), vivant canonnier du roi, faisait une donation de maison et terres à Isaac le Barbier de Francour pour le remercier de ce qu’il avait fait pour elle et son mari, particulièrement pour avoir tiré Jehan Rollet de prison, où il était détenu pour une raison que je n’arrive pas à déchiffrer. Le Barbier étant protestant, je m’étais demandé à l’époque si Jehan et Anne avaient pu aussi vivre dans la foi protestante et si cela avait pu être pour quelque chose dans les ennuis de Jehan. Vous pouvez en savoir plus en lisant cet article :

73. Anne Coqu, veuve de Jehan Rollet (Royellet)

Il se pourrait bien que oui.

Un couple formé de Jehan Rollet et Anne Coqu baptisent quatre enfants au temple de Sedan, aujourd’hui dans le département des Ardennes, entre 1580 et 1585. On n’y trouve pas le baptême de Marie, mais celui d’un fils nommé Claude.

Sedan est à l’époque le siège d’une principauté souveraine, mais dans l’orbite de la France. Henri-Robert de la Marck, duc de Bouillon et prince de Sedan, et son épouse Françoise de Bourbon Vendôme, se sont convertis au protestantisme, et ont fait de la ville une place forte et prospère, où de nombreux artisans protestants se sont installés.

Les troubles de la Ligue vont atteindre Sedan. Le fils et successeur de Henri-Robert, Guillaume-Robert de la Marck entre en conflit ouvert avec le duc de Guise, chef de la Ligue, dont les terres ne sont pas très éloignées de Sedan. Les hostilités sont particulièrement fortes en 1587 et 1588, année où le prince de Sedan est battu, et qu’il part en Suisse où il meurt.

On ne trouve plus trace du couple Rollet – Coqu à Sedan après 1585. On sait de Jehan Rollet, père de Marie, qu’il a été canonnier. Celui de Sedan fut, on le verra dans les actes qui suivent, soldat et portier du château de Sedan. Si les deux Jehan se confondent, il a certainement servi le prince pendant les guerres de religion et s’est peut-être retrouvé en prison à cause de ces guerres.

Je n’ai pas consulté les registres originaux du temple de Sedan, mais un relevé qui en a été fait ultérieurement. (1) Les registres ont des lacunes, la première pour l’année 1574, et la seconde entre janvier 1576 et mai 1580, et je me demande si le mariage de Jean Rollet et Anne Coqu, ainsi que le baptême de leur fille Marie n’auraient pas eu lieu dans cette période.

Les enfants du couple nés à Sedan sont:

  • Pierre, baptisé le 28 février 1580. Jean Rollet est dit soldat. Parrain Abraham Thiery et marraine Rose des Pasquiers.
  • Marthe, baptisée le 22 juillet 1582. La mère est nommée Anne Quoquu. Parrain Jean Corrigeux et marraine Martine Galloix.
  • Perette, baptisée le 15 janvier 1584. Le père est dit portier au château. Parrain Antoine de Ponthieu et marraine Perette Pasquet. La personne qui a relevé les registres nomme le père Jean Robert, mais le nom et le prénom de la mère ainsi que le prénom du père me font pencher pour une erreur de lecture.
  • Claude, baptisé le 24 février 1585. Parrain Claude Sonnet et marraine Gillete Connart. Jean Rollet est dit portier du château, ce qui confirme mon impression d’erreur de lecture pour le baptême de Perette.

D’autres Rollet sont présents dans ces registres du temple de Sedan.

Nicole Rollet, épouse de Jean Regnier, soldat

  • Jean Regnier, soldat demeurant à la Moncelle, et Nicole Rollet, fille de Jean, de Sedan, se marient le 13 novembre 1575 au temple de Sedan.
  • Anne, fille de Jean Renier, soldat, et de Nicole Rolet, est baptisée le 4 décembre 1580 à Sedan. Parrain Jean Rolet.
  • Jean Regnier, de la Moncelle, et Barbe Teiron se marient au temple de Sedan le 8 octobre 1581.

Marie Rollet, épouse de Guillaume Touron

  • Philippe, baptisé le 24 février 1591.
  • Paul, baptisé le 10 août 1593.
  • Michelle, baptisée le 9 janvier 1596. Parrain Claude Sonnet et marraine Michelle Poilblanc.

Claude Sonnet, qu’on croise comme parrain d’un enfant de Jean Rollet et d’une enfant de Marie Rollet, eut deux épouses, Gillette Connart, marraine d’un enfant de Jean Rollet et Michelle Poilblanc, marraine d’une fille de Marie Rollet. Je ne sais pas quel était le lien exact entre les Rollet et Claude Sonnet.

Marguerite Rollet (Raulet), épouse de Jacques Lecompte

  • Une fille dont le prénom n’est pas donnée baptisée le 12 janvier 1597. Parrain Simon Rolet.
  • Judith, baptisée le 10 janvier 1599.
  • Marie, baptisée le 11 juin 1600.
  • Marie, baptisée le 15 septembre 1602.
  • Susanne, baptisée le 7 octobre 1604.
  • Sarra, baptisée le 21 septembre 1606.

Simon Raulé (Rolet, Raulet) époux de Marson Marlé (la Morlette)

  • Marie, baptisée le 7 mars 1599.
  • Abraham, baptisé le 5 novembre 1600.
  • Anne, baptisée le 25 mai 1603.
  • Suzanne, baptisée le 27 janvier 1605.
  • Jean, baptisé le 29 mars 1607.

Jeanne Rollet et Jean Varnier

  • Jacques, baptisé le 26 février 1604.
  • Jeanne, baptisée le 16 novembre 1606.
  • Abraham, baptisé le 28 août 1608.

La famille Coqu

On trouve aussi dans les registres protestants de Sedan quelques couples dont un des époux se nomme Coqu.

Marie Coqu et Martin La Londe

  • Jean, baptisé le 5 avril 1587. Parrain Jean Saucisse et marraine Rachel Vibour. Père demeurant à Paris.
  • Daniel, baptisé le 4 août 1591. Parrain Daniel Tassin et marraine Sara Fornelet. Père tailleur.

Martin de la Londe, maître tailleur d’habits, est témoin lors de la signature d’un contrat de mariage à Paris le 29 décembre 1595

L’inventaire après décès de Marie Cocu est fait à Paris le 14 février 1614 devant le notaire Jean Chapellain, à la requête de Martin Delalonde, maître tailleur d’habits à Paris, et de Daniel Delalonde, maître tailleur d’habits à Paris, leur fils. AN de Paris MC/ET/XXXV/48

Cet inventaire nous apprend que le contrat de mariage du couple avait été passé devant Nicolas Blanchegorge, notaire royal à Donchery le treize février 1574. Donchery est situé à 5 kilomètres de Sedan.

Aron Coqu et Sara Bernar

  • Vincent, baptisé le 14 février 1593.
  • Jean, baptisé le 25 octobre 1594.

Le 21 novembre 1601, à Paris, devant les notaires Jehan Cadier et Richard Cuvillier, est fait l’inventaire après décès d’Aron Coqueue, à la requête de sa veuve, Sarra Bernard, comme tutrice de Vincent et Jean Cocqu, enfants mineurs du défunt et d’elle. L’inventaire ne donne malheureusement pas de détails nouveaux.

Philippe Cocu et Marie Bion

Madelaine, baptisée le 2 juillet 1595.

Je ne sais pas s’il existe des liens entre Jehan Rollet et les autres Rollet présents dans les registres protestants de Sedan.

Nicole Rollet, fille de Jean et épouse de Jean Régnier, soldat, dont le parrain d’un des enfants est précisément Jean Rollet, m’intéresse beaucoup. Elle pourrait être la sœur de l’époux d’Anne Coqu. Elle pourrait peut-être même être là fille d’un premier mariage du futur canonnier.

Marie Rollet, épouse de Guillaume Tourond est intéressante. On retrouve un même parrain, Claude Sonnet, pour un des enfants de Jehan et un des enfants de Marie.

Marie Coqu, femme de Martin de la Londe, et Aron Coqu, époux de Sara Bernard attirent aussi l’attention. On les retrouve à Paris à la même époque qu’Anne Coqu, et ils y meurent tous les deux, Aron en 1601 et Marie en 1614.

Je n’ai pas, pour l’instant, trouvé d’actes, à Sedan ou à Paris, qui indiquerait un lien formel entre Anne, Aron et Marie Coqu.

Sur la naissance de Marie Rollet, il me semble peu probable qu’elle soit née après Claude, donc en 1586 ou après. Déjà veuve en février 1601, elle se serait mariée pour la première fois à 13 ou 14 ans. C’est bien entendu possible, et j’ai publié des articles qui le montrent, mais tout de même assez rare. Je penche plutôt pour une naissance avant 1580 et le baptême de Pierre.

Je range cet article parmi les hypothèses. Je pense être en présence de mes ancêtres Jehan Rollet et Anne Coqu, mais il manque l’acte ou le texte qui le confirmerait hors de tout doute. Les noms et prénoms des deux époux, les dates de baptême des enfants qui sont dans la fourchette qui correspond à ce qu’on attend, ce fils nommé Claude, le métier du père, soldat, sont autant d’indices qui me permettent d’avancer que ce couple pourrait être celui dont descend Marie Rollet. Reste donc à trouver l’acte qui confirmera ou infirmera l’hypothèse.

Note:

(1) Ces relevés des baptêmes et mariages du temple de Sedan peuvent être consultés sur le site Family Search.

73. Anne Coqu, veuve de Jehan Rollet (Royellet)

Anne Coqu, ou Cocqu, et Jehan Rollet sont les parents de Marie Rollet, femme de Louis Hébert. Louis et Marie sont les premiers français à être partis s’installer à Québec avec leurs enfants en 1617.   Je suis un de leurs descendants par ma mère.  J’ai raconté dans l’article no 12 de ce blogue les circonstances de la découverte de la date de publication des bans, le 21 janvier 1601, des fiançailles, le 18 février, et du mariage de Louis Hébert et de Marie Rollet, le 19 février 1601.

Dans un acte daté du 24 juillet 1602, Louis Hébert, Marie Rollet et Anne Coqu sont devant les notaires Pierre Belot et Jacques Fardeau.  Louis, « marchand espicier » et Marie qui demeurent rue et paroisse Saint Sulpice, « vendent, cèdent, quittent et transportent » à Anne Coqu, « veuve de feu Jehan Roullet, en son vivant canonnier du roy, demeurant de présent au faulx bourg Saint Germain lez Paris, rue des Marguillers, paroisse dudict Saint Sulpice [….] une masure assise audict Saint Germain des Prez, toute de présent rompue, abbatue et non close, que de vieulx murs size rue de la Petite Seine et près le port de Malacquest.  Louis et Marie vendent pour ce bien un bail à rente qu’ils avaient acquis de Perrette le Sain, veuve de Jacques de la Chaise.  (1)

Quatre ans plus tard, Anne Coqu et sa fille Marie Rollet sont présentes et signent l’acte de vente d’une maison sise rue de la Petite Seine à la reine Marguerite, duchesse de Valois, le 8 août 1606.  (2)  S’agit-il de la même maison qui aurait été relevée et remise en état, ou d’une autre maison?  Marie agit sur une procuration signée par son mari pour qu’elle gère leur biens et en dispose comme bon lui semblera.  Cette procuration a été signée devant les notaires Absalon Garnon et Mathieu Bontemps le 24 mars 1606, peu de temps avant le départ de Louis pour son premier voyage en Amérique, plus précisément en Acadie.

Dans cet acte, Anne Coqu est dite veuve de feu honorable homme Jehan Rollet, en son vivant canonnier du roy, demeurant au logis de Moustier (?) ———————– size rue de Hautefeuille, paroisse Saint Séverin.

La rue de la Petite Seine, ou Petite rue de Seine, aujourd’hui rue Bonaparte, se trouvait sur l’ancien lit d’une petite rivière qui se jetait dans la Seine, la Noue, qui fut élargie au XIVè siècle pour créer un canal qui alimentait en eau les douves de l’Abbaye de Saint Germain des Prés.  Quand ce canal fut comblé, la rue de la Petite Seine fut créée.  La reine Marguerite, quand elle voulut faire construire son hôtel particulier face au Louvre, acheta toutes les maisons et propriétés qui bordaient les parties nord de la rue de Seine et de la rue de la Petite Seine.

Rue de la Petite Seyne

Plan de Paris de Mérian, 1626.  On voit à gauche en haut l’Hôtel de Nesle, puis en descendant, les remparts de la ville, les fossés, puis l’Hotel de la reine Marguerite, construit à partir de 1607 avec sa façade rue de Seine.  Dans les jardins, on voit la Chapelle des Louanges, de forme ronde qui existe toujours.  J’ai matérialisé par un trait rouge le tracé supposé de la rue de la Petite Seine.  La maison du couple Hébert Rollet devait donc se trouver sur un emplacement ayant été remplacé par les jardins de la reine.  On voit sur la Seine des barques à l’endroit où se trouvait le port Malaquais.

On trouve parfois le nom de la mère de Marie Rollet retranscrit « Cogu », mais il s’agit certainement d’une mauvaise interprétation de l’écriture ancienne.  Le nom d’Anne est Coqu.  Les scribes de l’époque ne faisaient pas toujours la différence entre le q et le g.  Ainsi, dans l’acte de 1606 cité plus haut, on trouve le nom écrit comme ceci par le notaire ou le clerc:

Anne Cocqu, Fardeau 1606

On pourrait interpréter la graphie du nom par « Anne Cocgu », la boucle de la quatrième lettre du patronyme évoquant évidemment un g pour un oeil moderne.  Mais il suffit de parcourir le reste de l’acte pour trouver d’autres mots qui ne laissent plus de doute.

appoticquaire Fardeau 1606

          appoticquaire ( le q est écrit comme nous écrivons un g )

       Vingt quatre Fardeau 1606

vingt quatrième ( même forme pour le q )

A la fin de l’acte, on trouve les signature des trois femmes impliquées, la reine Marguerite, Anne Cocqu ( elle signe Coqu ) et Marie Rollet ( elle signe Rolet ).

Signature Marguerite, Marie et Anne 1606

Aquisition de la petite

maison de Louis Hébert

en la petite rue de                                                         Anne Coqu

Seine.                        Marguerite                                    Marie Rolet

Dans l’acte de donation qui suit, on trouve sous la plume d’un autre clerc la même façon d’écrire le q.

Anne Coqu 1607          Anne Coqu

qu'elle 1607          qu’elle

quelque 1607         quelque

                                                          

Le 15 mars 1607, Anne Coqu, veuve de Jehan Royellet ( sic ) est devant les notaires parisiens Jacques de Saint Vaast et Jacques Fardeau pour faire une donation.  (3)

L’acte indique la raison de cette donation.

« Fut présente en sa personne Anne Coqu, veufve de feu Jehan Royellet, vivant canonnier de l’artillerie du roy, demeurant a la Verrie (probablement la Verrerie, un des lieux-dits d’Ozoir) paroisse d’Auzoy la Ferrière près Tournan, estant de présent en ceste ville de Paris.  Laquelle, de son bon gré, bonne, pure, franche et libéralle volonté, sans aucune contraincte, comme elle disant, et pour la bonne affection qu’elle a toujours porté et porte à Messire Ysaac Lebarbier, sieur de Francourt, demeurant faulxbourg Saint Germain des Prez Lès Paris, et pour ———- le récompenser et remercier des plaisirs et offices qu’elle et ledict deffunct son mary ont resceuz dudict sieur de Francourt qui aurait durant la guerre retiré et rachepté ledict deffunct Royellet de prison ou il estait détenu pour ———– ( ? ).

Pour remercier le sieur de Francourt, elle lui donne « une maison consistant en deux corps d’hostel couverts de thuilles, joignant l’un à l’autre cour, grange, estable, et jardin derrière, cloz [ …. ] contenant deux arpents ou environ, assis au village du Plessis, paroisse de Chevry en Brie ».  (Il s’agit du village du Plessis Nonains, à Chevry Cossigny, dans le département de la Seine et Marne.)  Elle lui donne également treize pièces de terre au terroir de Chevry, totalisant un peu plus de 21 arpents.  Anne Coqu avait acquis ces biens le 18 octobre 1606 de Jacques Garnier et Jacqueline Husson, sa femme, par un acte passé devant les notaires parisiens Fardeau et de Saint Vaast.  L’acte se trouve dans les minutes de Fardeau. (4)

Plessis Nonains

« Diocese, prevoste, et eslection de Paris. Le diocese est divisé en archipretrés, ou doyennés ruraux. la prevosté en balliages, ou prevostés subalternes, et l’eslection en chastellenies / par N. Sanson d’Abbeville », Gallica.

On voit Paris, en haut à gauche, et j’ai entouré en vert Auxoirs ( aujourd’hui Ozoir ) la Ferrière, et en rouge le Plessis aux Nonnains, qui fait aujourd’hui partie de Chevry Cossigny.

Je n’ai pas trouvé trace d’Anne Coqu dans les registres paroissiaux d’Ozoir la Ferrière, qui ne commencent qu’en 1616, ni dans ceux de Chevry Cossigny.

Qui était Isaac le Barbier de Francourt ?  J’ai trouvé quelques éléments sur lui et sa famille, mais rien qui explique le lien avec Jehan Rollet, et le rôle d’Isaac le Barbier dans sa libération de la prison où il était détenu, ni la raison pour laquelle il était détenu, ni dans quelle ville se trouvait cette prison.  Rien non plus sur l’année où ces événements se sont produits.

Les premières informations que j’ai trouvé sur Isaac et ses parents sont tirées du livre de raison qu’ont tenu des membres de la famille Legendre, notables vivant au Mans.  (5)  Symon Legendre, avocat du roi en la Sénéchaussée et Prévôté du Mans, en commence la rédaction.  Ses fils et petit-fils poursuivront son ouvrage.  Legendre note dans ce livre les événements de la vie des membres de sa famille depuis le jour de sa naissance en 1523 jusqu’à 1574.  C’est dans cette partie du livre qu’on trouve ceci:

MARIAGE DE FRANCOUR ET DE BENOITE LE GENDRE.      Le samedi 19è jour de novembre 1559, Me Gervais Barbier, seigneur de Francour, de la paroisse de Notre Dame de Torcé, épousa à 4 heures du matin, Benoiste, ma nièce, fille aînée de mon frère Martin Le Gendre et Françoise Ruelle, en l’église de Saint Hilaire où j’ai assisté avec mon frère et nos femmes.

Il y a bien un hameau nommé Francourt à Torcé en Vallée, dans la Sarthe, à quelques kilomètres du Mans.  Dans l’église de Torcé on trouvait cette épitaphe en caractères gothiques:

Cy git Marguerite Lebarbié, femme de Julian Rousseau et mère de Messire Francour et Guillaume et Pierre les Roussauts laquelle décéda le 11 de décembre 1565.

Le Sire de Francour, premier des trois fils de la défunte cités dans cette épitaphe, est Gervais le Barbier.  Il porte le nom de sa mère, ce qui semble indiquer qu’il était un enfant illégitime, ou que sa mère, avant d’épouser Julian Rousseau, avait eu un premier mari également appelé le Barbier.

Quelques pages plus loin, Symon Legendre écrit ceci:

MORT DE BENOÎTE LE GENDRE, MA NIECE.    Le vendredi 14è jour de février 1560, ma nièce Benoîte Le Gendre, fille de mon défunt frère Martin Le Gendre, mariée à Me Gervais Le Barbier, seigneur de Francourt, décéda entre 4 et 5 heures du matin, et fut ledit jour enterrée en l’église Saint Hilaire, sans pompe parce qu’elle l’avait requis.  De ce mariage il y avait un fils unique, nommé Isaac et âgé de cinq à six mois.

Il peut paraître étrange qu’une femme mariée en novembre 1559 meure en février 1560 en laissant un fils âgé de cinq à six mois.  Il ne faut pas oublier que l’année, à l’époque, commence et se termine à Pâques.  Selon ce calendrier, l’année 1560 commença le 14 avril, jour de Pâques, et se termina le 5 avril suivant, 1561 commençant le dimanche 6 avril, jour de Pâques.  Benoîte Le Gendre, femme de Gervais le Barbier est donc morte le 14 février 1561, selon le calendrier grégorien, et Isaac, leur fils, a dû naître en août ou septembre 1560.

Son père Gervais, avocat au Mans, fut un éminent représentant de la Réforme en France.  Il a écrit des textes importants adressés au roi pour la défense des huguenots, a été choisi pour les représenter auprès des princes allemands dans une période où les chefs protestants cherchaient des appuis, fut nommé Chancelier de Jeanne d’Albret, reine de Navarre, mère d’Henri IV, puis maître des requêtes par le roi Charles IX.  Il mourut à Paris lors du massacre de la Saint Barthélémy, le 24 août 1572 tué semble-t-il dans la cour du Louvre avec 200 autres protestants qui résidaient au palais dans le cadre des festivités entourant le mariage de Henry de Navarre et de Marguerite de Valois, soeur du roi. (6)

Gervais le Barbier semble bien s’être remarié après le décès de Benoîte le Gendre.  Un acte passé devant Charles Bertrand, notaire à Tours, le 28 février 1583, cite un autre acte du 8 septembre 1572, signé par Françoyse Nicollas, veuve du sieur de Francourt, vivant chancellier de Navarre.  On vient de voir que Gervais le Barbier était mort le 24 août 1572, soit deux semaines avant cet acte.  (7)

Isaac le Barbier fut orphelin de mère à six mois et de père à 12 ans.  Est-il demeuré protestant comme son père?  Le prénom de sa femme peut en tout cas le laisser penser.  Ester Rolland ( elle signe Raoulland ), femme de Me Ysaac Lebarbier, sieur de Francourt, fait dresser l’inventaire de dame Foy Guichard, sa mère, le 5 avril 1599 devant les notaires Nourry et François.  L’écriture du clerc ou du notaire qui a rédigé cet acte de 40 pages le rend particulièrement difficile à déchiffrer.  (8)

Le 25 octobre 1603, Jehan le Barbier et Mataier ( c’est ainsi qu’il signe ), « maître paticier oublier » fils naturel d’Ysaac le Barbier sieur de Francourt et de défunte Marguerite Metaier, signe son contrat de mariage avec Marguerite Ridet devant les notaires Mathieu Bontemps et Pierre Guillard.  Ysaac est présent et signe l’acte.  Il promet aux futurs époux 600 livres tournois à prendre par preciput sur ses biens au jour de son décès.  (9)

Isaac le Barbier et Ester Rolland avaient du avoir des enfants légitimes, mais je n’en ai pas trouvé la trace.  Un Jean Baptiste le Barbier de Francourt est présent à Paris dans le premier quart du XVIIIè siècle.  Il est forcément un descendant d’Isaac, mais je n’ai pas trouvé les maillons qui les relient.

L’acte de donation d’Anne Coqu à Isaac le Barbier dit que Jehan Rollet fut tiré de prison pendant la guerre; s’agit-il des guerres de religion qui ont secoué la France de 1562 à 1598 ?  Jehan Rollet était-il en prison pour avoir choisi ou servi le « mauvais camp »… ?  A-t-il été catholique ou protestant dans un lieu et à un moment où il aurait mieux valu être l’inverse ?  Je n’ai pour l’instant rien trouvé qui pourrait éclairer davantage cet acte.

Notes:

(1)  Archives Nationales de Paris, minutes du notaire Jacques Fardeau, MC/ET/XLIX/190

(2)  AN de Paris, minutes du notaire Raoul Bontemps, MC/ET/XXIII/113

(3)  AN de Paris, minutes du notaire Jacques Fardeau, MC/ET/XLIX/195

(4)  AN de Paris, minutes de Jacques Fardeau, MC/ET/XLIX/194

(5)  Moulard, P.  La famille Le Gendre, article paru dans Revue historique et archéologique du Maine, 1888.  Consulté sur Gallica

(6)  Blondeau, Claude, Les Portraits des hommes illustres de la province du Maine, Le Mans, Jacques Ysambart, marchand libraire et imprimeur, 1666.  Consulté sur le site Les Bibliothèques virtuelles humanistes.

(7)  Ressources Numériques pour l’édition des Archives de la Renaissance, http://renumar.univ-tours.fr/xtf/view?docId=tei/TIPO469992.xml&doc.view=print;chunk.id=n1

(8)  AN de Paris, minutes du notaire Jean François, MC/ET/XLIX/252

(9)  AN de Paris, minutes du notaire Raoul Bontemps, MC/ET/XXIII/223